Épître aux Philippiens 2 / 1-11

 

texte :

S’il y a donc quelque encouragement dans le Christ, s’il y a quelque réconfort de l’amour, s’il y a quelque communion de l’Esprit, s’il y a quelque tendresse et quelque magnanimité, comblez ma joie en étant bien d’accord ; ayez un même amour, une même âme, une seule pensée ; ne faites rien par ambition personnelle ni par vanité ; avec humilité, au contraire, estimez les au­tres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun, au lieu de regarder à ce qui lui est propre, s’intéresse plutôt aux autres. Ayez entre vous les dispositions qui sont en Jésus-Christ : lui qui était vraiment divin, il ne s’est pas prévalu d’un rang d’égalité avec Dieu, mais il s’est vidé de lui-même en se faisant vraiment esclave, en devenant semblable aux humains ; reconnu à son aspect comme humain, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à la mort, la mort sur la croix. C’est pourquoi Dieu l’a souverainement élevé et lui a accordé le Nom qui est au-dessus de tout nom, pour qu’au Nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue reconnaisse que Jésus-Christ est le Seigneur à la gloire de Dieu, le Père.

 

 

première lecture :  Évangile selon Jean 12 / 9-24

 

 

prédication :

 

 

Chers frères et sœurs, cet extrait de la lettre de Paul aux chrétiens de Macédoine est très connu, sa fin est souvent lue à cette époque de l’année liturgique, et son début est une exhortation à la fois appréciée et crainte. C’est d’elle dont je voudrais vous parler un peu maintenant.

 

Mais n’ayez pas peur, bien que ce texte nous prenne à rebrousse-poil ! Le principal, qui est donc aussi le principal de la vie de l’Église, d’une Église comme la nôtre, c’est que Christ est au départ, il est au centre, il est au sommet. Ce même Jésus-Christ qui a donné sa vie pour nous, afin que son amour irrigue nos existences individuelles, familiales, sociales, et l’existence de notre Église. Car comme Paul l’écrivait aux Corinthiens : « Je n’ai pas jugé bon de savoir autre chose parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. » (1 Cor. 2 / 2)

 

La croix de Jésus-Christ est incontournable pour Dieu, elle est incontournable pour chacun de nous. Elle est donc aussi incontournable pour nos relations entre nous, c’est-à-dire entre chrétiens, en Église. Or, ça ne se voit pas tous les jours, même si ça apparaît de temps en temps ! Comment se traduit cette centralité de la croix de Jésus ? Justement par ces mots que vous avez entendus : « Ne faites rien par ambition personnelle ni par vanité ; avec humilité, au contraire, estimez les autres supérieurs à vous-mêmes. Que chacun, au lieu de regarder à ce qui lui est propre, s’intéresse plutôt aux autres. »

 

Cette soumission à l’autre est la marque claire et évidente de l’amour, quand elle n’est pas subie contre sa volonté, mais choisie et, si possible, vécue dans la réciprocité. Cette fois, c’est aux Éphésiens que Paul écrivait : « Soumettez-vous les uns aux autres dans la crainte de Christ » (Éph. 5 / 21). Que cette phrase fasse hurler les gens de dehors, c’est malheureusement normal, surtout s’ils subissent une soumission imposée. Au-delà de ce dernier cas, chacun aujourd’hui réclame d’être son propre Dieu et le seul maître de sa vie. Mais nous, nous avons un Dieu qui s’est lui-même soumis non seulement au Père, mais aussi aux humains qui l’ont cloué sur la croix.

 

Cela nous oblige. Et cela nous oblige parce que ça nous libère ! C’est mon péché et ce sont mes faux dieux que le Christ a entraîné dans sa mort, et qu’il y a laissés ! Ma volonté anarchiste et illusoire d’être mon propre maître est morte sur la croix. Moi pécheur, je suis mort sur la croix avec le Christ. Mais je suis ressuscité avec lui comme un libre enfant du Père, libéré de devoir m’imposer, de devoir me faire passer en premier, de croire que je dois me battre pour exister. Christ a gagné ces batailles à ma place. Je n’ai plus besoin d’être autocentré.

 

Je n’en ai plus besoin, mais j’aime bien ! Le problème est là, toujours. J’aime bien m’imposer, passer devant. La vanité me va bien ! Oui, mais c’est la vanité… Pour le dire en français courant : c’est idiot et ça ne sert à rien ni à personne, à part à faire du mal à moi et aux autres. Contrairement aux discours et aux pratiques du monde et à la parole du diable que j’entends sans cesse, c’est la soumission qui sert au bonheur et qui promeut la vie, c’est elle qui est fidèle au Christ et à sa Passion, c’est elle qui donne la vraie liberté.

 

Alors, frères et sœurs, dans le monde et dans l’Église, « estimez les autres supérieurs à vous-mêmes », et tout se passera mieux. Amen.

 

Saint-Dié (ouverture de l’Assemblée générale)  –  David Mitrani  –  24 mars 2024

 

 

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