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Psaume 85
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texte : Psaume 85 (trad. personnelle)
premières lectures : Évangile selon Luc 17 / 20-24 ; Michée 4 / 1-5 ; épître aux Romains 8 / 18-25
chants : 31-20 et 45-13
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Dans le récit évangélique, Jésus annonce que, « comme l’éclair resplendit et brille d’une extrémité du ciel à l’autre, ainsi sera le Fils de l’homme en son jour. » Et Michée prophétisait sur ce qui « arrivera à la fin des temps ». Quant à l’apôtre Paul, il « attend avec persévérance » ce que « nous ne voyons pas ». La tonalité de ce dimanche est donc à l’espérance, à l’attente du plus grand miracle de tous les temps : la venue en gloire de celui qui fut crucifié sur un poteau de bois. Et cette venue est synonyme pour nous de salut, de rétablissement, de résurrection. Et c’est tout cela que chante le « psaume des fils de Qoré », et que nous voulons entendre et méditer ce matin.
Le début du psaume, lu de manière “plate”, historique, nous parle du retour des Exilés de Babylone à Jérusalem, à la fin du VIe siècle et au début du Ve avant notre ère. C’était il y a quelques années, donc… Mais tâchons de lire ce texte avec un peu plus de relief ! Le psaume nous parle, en son début, de la fin de la captivité, de faute enlevée, de pardon des péchés, de la fin de la colère de Dieu. Tous les verbes employés sont au parfait, ils désignent des actions passées, accomplies, finies. Nous pouvons alors bien entendre que nos péchés sont une prison dont nous, peuple de Dieu, nous avons été libérés. Or les péchés ne se comptent pas selon la morale, mais selon la volonté de Dieu. C’est devant Dieu et par rapport à lui que nous sommes pécheurs. Le péché ne consiste pas à faire le mal, encore qu’il y pousse souvent. Mais il consiste à vivre sans Dieu, à vivre concrètement sans Dieu même si nous le confessons de bouche. Le péché consiste à connaître Dieu et à ne pas le suivre, à ne pas s’en soucier. Voilà donc quelle est notre prison, la prison spécifique des croyants, de ceux qui disent connaître Dieu, et qui n’en font pas grand-chose dans leur vie ni dans celle du monde…
Pourtant, je vous l’ai dit, le temps de ce début de psaume est accompli. Comme le dit le Seigneur à la fin de la Bible : « Voici, je fais toutes choses nouvelles. […] Il me dit : C’est fait ! » (Apoc. 21 / 5-6) Il est suprêmement important que le psaume commence ainsi, plutôt que de nous tenir en haleine jusqu’à la fin. C’est le même sens que d’avoir, dès le début de l’Église chrétienne, choisi le premier jour de la semaine pour remplacer le shabbat, qui, lui, est le septième. La foi chrétienne considère en effet que la faveur de Dieu, la délivrance du péché et de la mort, est initiale et non finale. Dieu ne considère plus ce qui, en nous et dans nos vies, mériterait la mort par l’effet de sa juste colère. Notre faute n’a pas disparu, mais nous en avons été graciés, et bien sûr pas à cause de nos œuvres, de notre piété, etc., puisque ce sont eux qui nous valaient la réprobation de Dieu ! Non. C’est par l’œuvre de Dieu lui-même, sa grâce prévenante, comme le dit si bien ce vieux qualificatif : cette grâce vient d’abord, elle nous précède. Elle ne nous récompense donc pas, à moins de se laisser aller à une philosophie étrangère à la révélation. Dieu nous sauve simplement parce qu’il est le « Dieu de notre salut », comme l’appelle le psaume : la raison est en lui-même, il fait profession d’être notre Sauveur ! Comme le chante un autre psaume, c’est « à cause de son Nom » (Ps. 23 / 3) et pas à cause de nos prétentions ou qualités.
Cet Évangile devrait – aurait dû – mettre un terme définitif à nos inquiétudes, à nos peurs, et changer notre existence par la certitude que nous avons de cet amour de Dieu pour nous, de ce salut parfaitement immérité et déjà accompli. Mais nous – et déjà les premiers auditeurs de ce psaume – nous, nous sommes inachevés, inaccomplis, en devenir, jamais sûrs de nous-mêmes, et donc jamais sûrs de ce que Dieu a fait pour nous, jamais sûrs de la manière dont Dieu nous considère. Mais, au moins, toujours sûrs de notre incapacité à mériter de Dieu quoi que ce soit d’autre que notre condamnation – puisque nous prêtons tellement à Dieu nos propres sentiments, et que nous nous l’imaginons comme l’un d’entre nous, jouissant de son pouvoir et maniant la vengeance… D’où notre prière, telle que le psaume nous la renvoie en miroir : « ramène-nous », alors que nous venons de confesser qu’il l’a fait ! Et de craindre encore et toujours sa colère en oubliant son amour et sa délivrance, en oubliant le pardon déjà donné qui nous libère nous-mêmes de toute rancune et de tout pouvoir les uns à l’égard des autres.
Nous qui sommes de perpétuels mécréants, nous avons besoin de « voir [la] grâce » de Dieu, nous avons besoin de preuves, ou à tout le moins de signes. Ce à quoi Jésus répondra un jour : « Une génération mauvaise et adultère recherche un signe ; il ne lui sera donné d’autre signe que celui de Jonas. » (Matth. 16 / 4) Pas d’autre signe que la mort et la résurrection de Jésus, pas d’autre signe que la conversion et le pardon des païens (dont nous sommes). Il n’y a pas d’autre preuve à l’amour que l’amour, il n’y a pas d’autre preuve au pardon de Dieu que la mort de Jésus pour nous. On accepte cette « preuve » (entre guillemets) ou pas, on accepte d’être « sauvés par grâce, par le moyen de la foi » (Éph. 2 / 8), ou on rejette cette foi dans le salut gratuit de Dieu manifesté en Jésus-Christ. Tout comme on croit la personne qui nous dit « je t’aime », ou on ne la croit pas et on s’en va… Nous, nous restons entre deux. Nous savons, et nous voulons voir. Mais la vue n’est pas pour maintenant : il nous faut croire, c’est-à-dire faire confiance.
Comment faire ? Nous qui sommes protestants, nous ne devrions pas avoir à nous le demander ! Car le psaume déjà nous fait proclamer : « J’écouterai ce que parle le Dieu, l’Éternel… » Or Dieu ne parle pas par les astres, la nature, le mouvement social ou je ne sais quoi d’autre. En fait, si : il peut bien parler ainsi, il est Dieu ! mais je n’ai pas de moyen de l’y reconnaître, d’entendre que c’est lui. Le moyen qu’il nous a donné pour écouter ce qu’il a à nous dire, ce sont les Écritures ! Que disent-elles, d’après notre psaume ? Elles parlent de « paix », de « salut », de « grâce », de « vérité », de « justice », de « bonheur » ! Tout l’Évangile est déjà dit ici. Il ne manquera que d’y mettre un nom, celui de Jésus, ce que le psalmiste ne pouvait faire en son temps. Aussi certaines choses sont-elles à l’accompli et d’autres au futur, à l’inaccompli. Car le psaume, comme tout l’Ancien Testament, est tendu vers son accomplissement, vers Jésus-Christ.
Et pourtant c’est fait. C’est fait dans le projet de Dieu depuis « avant que le monde fût » (Jean 17 / 5). Et pour nous qui sommes chrétiens, qui sommes “après”, évidemment c’est fait depuis bien longtemps, même à vues humaines. Mais nous l’attendons encore, et nous l’attendrons jusqu’à la fin, jusqu’à ce que sa gloire soit manifestée à l’univers entier. Mais en attendant, dans cette espérance… En fait, rappelez-vous le texte de Paul sur l’amour : « Maintenant ces trois-là demeurent : la foi, l’espérance et l’amour, mais le plus grand, c’est l’amour. » (1 Cor. 13 / 13) La foi, c’est de savoir que c’est fait. L’espérance, de savoir que ça vient. Entre les deux, le présent – et c’est pour ça que c’est le plus grand – c’est l’amour. Notre psaume le dit autrement : c’est le temps où tous ces mots que je vous citais à l’instant prennent corps : paix, salut, grâce, vérité, justice, bonheur… C’est le temps de l’œuvre du Saint-Esprit rendant gloire au Christ en nous et à travers nous, dans nos vies et nos relations. C’est le temps de la rencontre entre Dieu et nous, en Christ, dans la réalité concrète de nos existences.
Il nous faut donc, chères sœurs, abandonner nos peurs des autres et de nous-même, nos regrets sur le passé, nos inquiétudes sur le présent et l’avenir, toutes choses balayées une fois pour toutes par la mort de Jésus, englouties avec elle. Il est le temps, pour chacun de nous et pour notre Église, de vivre et de témoigner de la paix telle que la résurrection du Christ la produit ici et maintenant, cette paix qui, entre nous, prend ou devrait prendre la forme de l’amour, du don de soi, de la priorité donnée à l’autre. Lorsque ça se passe, cela se voit, cela témoigne. Hier, à la rencontre régionale des présidents et trésoriers de Conseil presbytéral, l’une des choses qui se sont échangées l’après-midi était de rendre visible ce qui se vit dans les paroisses, ce qui se fait – car il se fait des choses : pas seulement des cultes et des repas ! mais aussi la fraternité qui nous permet de célébrer ensemble notre Dieu et de prier pour ceux qui ne sont pas là, fraternité qui nous permet aussi de manger ensemble et qui est au sens propre une convivialité qui existe rarement ailleurs sur un tel mode, même si partout il y a des repas associatifs, familiaux, ou autres.
Nous avons donc besoin de soigner cette convivialité, c’est-à-dire de veiller à ce que notre amour mutuel – « Comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres » (Jean 13 / 34) – oui, notre amour mutuel reçu du Christ et vécu en lui, soit plus plein, plus manifeste, sans arrière-pensées d’aucune sorte – « À ceci tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour les uns pour les autres. » (Jean 13 / 35) Le psaume nous le confirme : ce n’est pas un pensum, mais c’est là que, dans ce monde, dans cette vie, se tient le bonheur qui nous viendra alors de Dieu. Le pardon reçu de Dieu, le rétablissement dans la communion avec lui qui est notre Terre promise, cela se « monnaye » – comme on dit – chaque jour dans nos vies personnelles et dans notre vie communautaire. Lorsqu’on invite quelqu’un à sa table, on fait attention à lui plaire et à ce qu’on lui prépare, afin que cette personne soit bien. C’est cela que nous avons à vivre les uns avec et pour les autres. Et certes nous le faisons. Alors faisons-le mieux ! Aspirons à plus de bonheur pour nous-même, en répandant plus de paix !
Je suis sûr que même notre petite communauté, et même toute l’Église de Vosges-Meurthe, s’en portera mieux, et que son témoignage en sera renforcé. Je vous ai parlé de la réunion d’hier, c’était une réunion de trésoriers, donc. Mais nous sommes convenus que le but de nos activités extérieures ne pouvait pas être de “faire de l’argent” ni d’attirer des gens, mais qu’elles pouvaient aussi accomplir cela dans la mesure où elles manifestaient ce que nous sommes, évidemment sans faire semblant : à savoir des gens pardonnés par Dieu en Christ, et à cause de cela des gens libres, libres d’aimer et de servir, des gens sans crainte ni ressentiment. « Car je suis persuadé – écrivait Paul – que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l’avenir, ni les puissances, ni les êtres d’en-haut, ni ceux d’en-bas, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Jésus-Christ notre Seigneur. » (Rom. 8 / 38-39). Car il vient ! Amen.
Senones – David Mitrani – 7 novembre 2021