Épître aux Hébreux 12 / 12-19. 22-24

 

texte :

 

Redressez vos bras fatigués et rendez plus forts vos genoux tremblants. Faites de bonnes pistes pour vos pieds. Alors celui qui boite ne se tordra pas la cheville, au contraire, il guérira. Cherchez à vivre en paix avec tout le monde et à mener une vie qui plaît à Dieu. Sans cela, personne ne verra le Seigneur. Attention, personne ne doit refuser ce que Dieu fait pour lui ! Parmi vous, aucune plante amère ne doit pousser pour troubler la communauté avec son poison. Attention, ne menez pas une vie immorale ! Respectez les choses saintes. Ne faites pas comme Ésaü qui, pour un seul repas, a vendu son droit de fils aîné ! Plus tard, vous le savez, il a voulu recevoir la bénédiction de son père, mais il a été rejeté. Il a essayé, en pleurant, d’amener son père à changer d’avis, mais il n’a pas réussi.

 

Quand vous vous êtes approchés de Dieu, vous n’êtes pas venus vers une montagne qu’on pouvait toucher : il n’y avait pas de grand feu, pas d’obscurité, pas de nuit, pas d’orage. Vous n’avez entendu ni le son de la trompette, ni le bruit de paroles. (Ceux) qui ont entendu ce bruit ont refusé d’écouter un mot de plus. […] Mais vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la ville du Dieu vivant. C’est la Jérusalem du ciel où des millions d’anges sont en fête. Vous vous êtes approchés de l’assemblée des premiers-nés de Dieu qui ont leurs noms écrits dans les cieux. Vous vous êtes approchés de Dieu, qui juge le monde entier. Vous vous êtes approchés des personnes justes qui sont devenues parfaites. Vous vous êtes approchés de Jésus, qui a répandu son sang pour nous rendre purs. Il est l’intermédiaire d’une alliance nouvelle que Dieu a établie avec nous, et son sang répandu parle plus fort que celui d’Abel.

 

 

chants :  44-15 et 45-20

télécharger le fichier PDF ici

 

 

prédication :

 

 

Chers amis, frères et sœurs, ce texte est un encouragement pour nous tous. Il nous appelle à ne pas nous laisser abattre, mais à marcher sur un chemin que Dieu agrée. Serait-ce que nous avons besoin d’y être encouragés, que nous n’en serions pas capables tout seuls ? La réponse est oui, bien sûr. D’abord, il y a dans la vie des tas d’occasions, pour chacun de nous tel qu’il est, où nous nous retrouvons dans un état de faiblesse ou de contrariété ou de perte de repères, qui fait que précisément nous avons besoin alors d’être remis debout par quelqu’un. Et si les mieux lotis ou les plus chanceux ont quel­qu’un qui le fait, qui les aide, qui leur permet de se redresser, ce n’est pas toujours le cas, ou pas pour tout le monde. Nous venons de baptiser deux enfants, c’est-à-dire des personnes qui ont par définition besoin d’adultes pour les guider, les encourager, leur montrer la voie droite sur laquelle elles auront à marcher parfois seules. Mais c’est notre situation à tous.

 

Pour ceux qui sont chrétiens – et peut-être pour les autres qui ne le savent pas – Dieu est là pour nous aider à reprendre courage, à marcher sans tituber ou en nous rattrapant aux branches. Ce n’est pas comme un bouche-trou, au cas où nous n’aurions personne d’autre, encore qu’il peut aussi le faire dans un tel cas. Mais c’est par définition la mission qu’il s’est attribuée à lui-même. Ce n’est pas comme dans les religions païen­nes, où il faut payer le dieu par des sacrifices, des offrandes, des prières : les nôtres ne servent pas à ça ! Comme un parent, Dieu prend l’initiative, « il sait de quoi nous sommes formés, il se souvient que nous sommes poussière », comme le chante un psaume biblique (Ps. 103 / 14). Dans l’athéisme matérialiste, évidemment point de Dieu, donc point de secours : chacun vit et meurt seul face à lui-même. Nous, nous préférons faire confiance à Dieu pour nous apprendre à marcher devant lui comme des gens libres et aimants.

 

Or c’est sur ces chemins-là que Dieu se laisse rencontrer, comme l’ami à nos côtés. On peut, par intérêt à court terme, ou par orgueil, refuser a priori d’y avancer, et, comme dans le récit du jardin d’Éden (Gen. 3), vouloir nous-mêmes discerner le bien et le mal – puisque ce n’est pas d’Adam et d’Ève, mais de nous que parle ce texte-ci. Il suffit d’écouter les nouvelles, de vagabonder sur les réseaux sociaux ou simplement de se regarder dans une glace, pour voir le résultat. C’est évidemment vrai aussi des chrétiens dès lors qu’ils oublient leur Dieu, c’est-à-dire souvent ! Pour revenir au texte lu tout à l’heure, l’auteur nous invite aussi à regarder les conséquences de nos faux pas pour les autres, autour de nous. Car ce n’est pas Dieu qui subit les conséquences de ces faux pas, mais nous-mêmes et ceux qui nous entourent. La religion biblique n’a pas Dieu comme souci : Dieu est assez grand pour se soucier de lui-même, et pour le dire comme nous le disons souvent, à lui seul appartient la gloire – c’est ce que ça veut dire… La religion biblique, par contre, a le souci des humains : c’est dans notre intérêt, personnel et communautaire, qu’elle nous livre les exhortations venant de notre Seigneur, auxquelles nous nous attendons, comme nous l’avons chanté : « C’est vers toi que je me tourne… ».

 

Alors, Dieu ? le Seigneur ? L’auteur du texte reprend l’exemple des Hébreux, autrefois, qui ont reçu au désert les commandements de Dieu, dans un récit où des événements redoutables entourent sa manifestation. C’était l’image d’un Dieu terrifiant, ou en tout cas vécu comme tel par les Israélites. Et qui dit terrifiant dit repoussant : sauf à aimer s’aplatir de manière servile, on n’a pas envie d’obéir à un tel potentat ! Mais l’auteur nous dit que Dieu ne correspond précisément pas à cette image. L’Ancien Testament, dans beaucoup d’autres textes, l’avait déjà dit. Mais il faut sans cesse le réentendre, tellement nous sommes imprégnés d’images païennes de Dieu, forgées sur des peurs ou des envies d’un pouvoir écrasant dont, en fait, inconsciemment, on aimerait bien disposer soi-même. Mais non. La toute-puissance au sens humain n’est ni pour nous ni pour Dieu qui n’en veut pas.

 

Les chrétiens, les lecteurs à qui s’adresse notre texte, savent très bien qu’ils se sont approchés d’une réalité autre, incommensurable avec les réalités terrestres que nous imaginons aussi au ciel. Dieu est Dieu, mais il n’est pas comme les dieux. Dieu est un juge souverain, mais il n’est pas comme les juges. Dieu est celui, je vous l’ai dit, qui prend soin de nous, celui qui redresse ceux qui sont courbés, à terre ou tordus, et qui pardonne à celui qui se repent. Dieu ne veut pas des esclaves, mais des hommes et des femmes debout. C’est ce que nous avons souhaité à nos deux baptisées : qu’elles le soient, qu’elles le deviennent. Leurs parents et leurs parrains feront tout pour, et c’est bien normal. Mais plus fortement encore, c’est ce que Dieu souhaite pour nous tous, et c’est ce qu’il met en œuvre selon sa promesse – et nous aussi, tout à l’heure, nous avons promis, à propos de Ghjuliann et de Léna-Lou. Reste à mettre en œuvre nos promesses, n’est-ce pas…

 

Or, ce que Dieu veut pour nous, il l’a manifesté en Jésus-Christ. La perfection qu’il nous demande pour notre bien, il l’a réalisée pour nous, mais aussi en nous, par Jésus-Christ. Or Jésus n’est pas celui qu’au Moyen Âge en Orient on représentait comme un empereur romain ! Il est celui qui a donné sa vie pour nous. Et c’est cette vie donnée, celle-là-même de Dieu, qui agit en nous, dans nos membres, dès lors que nous laissons Dieu agir en nous par son Esprit, nous transformer à l’image du Christ. Nos baptisées l’ont été dans le sang du Christ. Ce n’est pas une image gore ; c’est la joyeuse certitude que la mort de Jésus est notre victoire, notre vie, notre résurrection, notre puissance contre tout ce qui avilit nous-mêmes et les autres gens. C’est sur ce chemin de victoire que l’auteur du texte nous invitait à marcher, et c’est ce que nous retiendrons pour ce jour : un chemin nous a été ouvert que nous serions bien bêtes de ne pas vouloir suivre, et sur ce chemin, comme à Poudlard pour Harry Potter, « une aide sera toujours apportée à ceux qui en feront la demande » ! Mais point de magie là-dedans. Simplement Dieu nous aime, et son amour nous soutient et nous fait avancer, et non seulement seuls, mais ensemble : c’est ça l’Église, « l’assemblée des premiers-nés de Dieu qui ont leurs noms écrits dans les cieux », comme dit notre texte !

 

Nos noms sont écrits « là-haut », dans la paume de Dieu, comme pour dire qu’il se souviendra toujours de nous, qu’il ne nous lâchera jamais, et que personne ne pourra venir nous enlever de là ! Ils sont écrits avec le sang de Jésus-Christ, c’est sa mort qui nous a offert cette place, gratuitement, une place qu’on ne rejoint qu’en lui faisant confiance. Nous ferons donc confiance à Dieu, non pas un dieu orageux, tonitruant, mais ce Dieu ami qui a donné sa vie par amour pour nous, afin que nous en profitions. Il nous a rendus dignes de lui, quoi que nous pensions nous-mêmes de nous ! Il est Emmanuel, « Dieu avec nous ». Alors, à ses côtés, nous pouvons avancer dans la foi, l’espérance et l’amour sur la terre des humains. Amen.

 

Saint-Dié  –  David Mitrani  –  14 janvier 2024

 

 

Contact