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Évangile selon Matthieu 26 / 31-35. 69-75
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texte : Évangile selon Matthieu 26 / 31-35. 69-75 (trad. : Parole de Vie)
premières lectures : Deutéronome 18 / 9-22 ; Évangile selon Matthieu 16 / 13-19
chants : 22-08 et 47-04
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Mes frères et sœurs, ce n’est pas la première fois que j’ai la chance de m’exprimer devant vous, et je vous en remercie tous pour m’en donner l’opportunité.
Les deux fragments de textes que j’ai choisis pour aujourd’hui, vous les connaissez déjà. Ce sont des passages de la dernière nuit de la vie de Jésus. Le Christ vient tout juste de partager le repas avec ses disciples, en leur annonçant que celui-ci serait le dernier qu’il prendrait avec eux, puis tous après avoir mangé se sont rendus au mont des Oliviers. Et comme Jésus l’avait annoncé à ses disciples, l’un d’entre eux, Judas, le trahit pour le livrer aux soldats. Mais si j’ai choisi ces deux extraits en particulier, c’est pour m’intéresser à une autre personne importante des évangiles. Lorsque Jésus annonce aux disciples qu’à sa chute, les disciples chuteront avec lui et qu’ils se disperseront, nous avons Pierre, que l’on peut considérer comme le chef officieux des douze, qui s’exclame alors que lui, au moins, il tiendrait bon, et qu’il serait même prêt à mourir avec son maître. Sauf qu’avant même que la nuit ne s’achève, Pierre aura trahi cette promesse par trois fois.
Dans ma lecture des évangiles, cet abandon est un événement qui m’a marqué. Pourquoi Pierre, le plus loyal des 12, celui sur qui « Jésus a bâti son Église » pourquoi celui-ci a-t-il trahi sa parole, et abandonné son maître ?
L’explication qui viendrait le plus vite à l’esprit, ce serait par lâcheté. Pierre a dit qu’il ne connaissait pas Jésus afin de sauver sa propre vie. Mais si telle était la vérité, alors Pierre serait un homme bien décevant : la bouche remplie de belles promesses, mais incapable de les assumer en actes.
Mais quand on connait les disciples tels qu’ils sont dépeints dans la Bible, on ne peut que difficilement donner de crédit à une telle idée. Dans les évangiles, les disciples ont chacun tout abandonné de leur ancienne vie pour suivre Jésus. Au moment où Jésus se fait capturer, on sait que l’un d’entre eux, sans qu’il ne soit nommé, sort son épée et commence à se battre avec les soldats, au péril de sa vie pour défendre son maître.
Donc, dans la nuit même où Jésus est livré, les disciples prouvent qu’ils sont bel et bien capables de courage.
Alors, en relisant les évangiles, nous devons commencer par nous demander si nous lecteurs, avons bel et bien compris ce qui venait de se passer avec Pierre. En vérité, cet homme a-t-il vraiment abandonné Jésus ?
Grâce à la suite des Écritures, nous savons que Jésus ne tiendra jamais rigueur à Pierre de ce qu’il s’est passé. Tout juste lui rappellera-t-il subtilement cela, lorsqu’il lui demandera, à la fin de l’Evangile de Jean, à trois reprises « Pierre, m’aimes-tu ? » obligeant Pierre à répondre « Seigneur, tu sais bien que oui » autant de fois comme autant d’excuses pour ses fautes. Sauf que ce geste semble bien trop faible pour être motivé par une quelconque rancune, surtout lorsque le Christ, juste après cet échange, fait même de Pierre le successeur de sa mission sur Terre, comme il le lui avait promis il y a longtemps. Jésus en effet avait renommé celui qui était Simon en Pierre car il serait la base sur laquelle il allait bâtir son Église. Je vous le demande : Jésus aurait-il réellement tenu sa promesse si Pierre l’avait déçu ?
Un autre détail curieux, à la fin du passage de cette prédication, il est écrit que Pierre s’est mis à pleurer. Cela nous indique donc que déjà, celui-ci regrette les paroles qu’il vient tout juste de prononcer. Pourtant, à ce moment là, il n’est techniquement pas encore trop tard : Jésus est toujours en train d’être jugé. Pierre pourrait encore se précipiter dans la foule et hurler « Oui, je suis l’un des disciples ! ». Mais non.
Nous avons donc une succession d’incohérences qui rendent toute cette situation improbable.
C’est alors que je me suis mis à avoir une hypothèse : et si la tristesse de Pierre à ce moment précis, n’était pas tant causée par son dépit pour sa propre lâcheté, mais plutôt pour son impuissance. Mes frères et soeurs, je vous demande d’essayer de me suivre : et si Pierre n’avait tout simplement pas eu d’autre choix que de ne pas reconnaître Jésus ? Si cela avait été son destin ?
Alors, savoir si Dieu a un plan pour chacun de nous ou non, si tout est déjà écrit ou pas, est une des grandes questions de la Foi à laquelle, je vous rassure, je ne vais pas essayer de répondre aujourd’hui.
Mais ce dont je suis certain, c’est que Jésus-Christ, lui, avait un destin, et qu’il était écrit, depuis très longtemps ! Dans les évangiles, Jésus prédit son avenir constamment en se référant aux anciennes Écritures, et il le fait d’ailleurs dans le passage de cette prédication. Jésus était né pour mourir sur la croix, c’est le plan que le Père avait prévu pour lui depuis le tout début !
C’est d’ailleurs tout l’objectif du chapitre d’où est extraite la prédication : revenir sur les prophéties, et dire au monde que ça y est, l’heure où elles doivent s’exaucer est arrivé. Nous sommes dans l’un de ces épisodes de la Bible où tout ce qui arrive ne pouvait qu’arriver, car nous avions été averti que cela ne pouvait se passer qu’ainsi, et pas autrement.
Et dans ce cas, il ne faut plus considérer les paroles de Jésus « Tu me renieras trois fois » comme une supposition un pari qu’un homme ferait sur un autre qu’il connait bien, mais comme l’annonce de quelque chose qui est déjà décidé.
Le désaveu de Pierre serait alors un évènement aussi irrévocable que la mort de Jésus sur la croix.
Et justement, cette mort du Christ, il fallait que Jésus la traverse seul ! Cela est le fondement même de notre Église : le Père a envoyé le Fils sur Terre, pour que celui-ci y meure et se relève d’entre les morts. Lui, et lui seulement. Parce que lui seul est Fils de Dieu ! Lorsqu’un des disciples a tenté de combattre les soldats qui étaient venus emporter son maître, Jésus ne lui a-t-il pas dit « Mais pourquoi te bats-tu donc ? Si le Père voulait que cela n’arrive pas, crois-tu qu’il laisserait ainsi faire ? »
Vous savez, frères et soeurs, j’ai reçu des cours d’écriture de scénario à l’université. J’y ai appris que le plus important dans une histoire était le rôle que devait tenir chacun des personnages. Alors si nous acceptons que Dieu le Père est l’auteur du récit du monde entier, eh bien Jésus a raison : c’est par sa volonté seule que tout arrive.
Pour qu’une histoire fonctionne, chaque personnage doit rester à la place qui lui était prévue. Si Pierre, et même les autres disciples, n’avaient pas laissés leur maître mourir seul, ils seraient morts avant même d’avoir accompli leur mission véritable en tant qu’apôtres !
Si les hommes qui ont gravité autour du Christ dans ses derniers instants avaient voulu être autre chose que ce qu’ils devaient être, l’histoire du Christ ressuscité n’aurait pas eu lieu. Ponce Pilate, par exemple, ne voulait pas condamner Jésus, mais n’a rien fait pour tout arrêter. Mais supposons seulement qu’il ait été un homme plus courageux, quelque capable de s’opposer à la foule et de décider que « Non, vous ne pouvez tuer cet homme qui n’a rien fait ! », il n’y aurait pas eu de crucifixion, et donc pas de
miracle. Si les disciples s’étaient battus à mort pour leur maître, quand les soldats sont venus le chercher, personne au retour du Christ n’aurait été là pour transmettre la bonne nouvelle. Alors, nous pouvons imaginer que ce soir-là, c’est sa volonté d’être une meilleure personne que le rôle qu’on lui avait confié qui a perdu Pierre. En effet, le destin des disciples étaient de toute façon d’abandonner Jésus, et c’est parce qu’il résistait à cette fatalité, parce qu’il a suivi Jésus jusqu’à la porte de l’endroit où il était jugé, que Pierre s’est condamné lui-même à dire 3 fois qu’il ne connaissait pas son bien-aimé maître.
Alors qu’est-ce que j’essaie de vous dire par là ? Que si vous ou moi sommes imparfaits c’est parce qu’un grand plan divin nous oblige à l’être ? Que nous sommes de simples pions dans le grand échiquier cosmique ?
Bon, pour ce qui est de l’échiquier, c’est une certitude. Dieu a un plan, un plan dont nous humains n’avons ni la moindre idée de l’ampleur ni du sens. Si nous sommes nous aussi des personnages d’une histoire, aucun d’entre nous ne comprend ce qu’est le scénario. Et notre rôle a peu de chance d’être celui du héros. Comme l’a dit le Christ, nous sommes les moutons de son pâturage. Oui, sans aucun doute, nous les êtres humains sommes petits.
Mais est-ce une mauvaise chose ? Non, car l’humilité est une qualité essentielle. Le Christ lui-même est merveilleusement humble. Il est un humble Roi né dans une étable, un humble maître marchant sur le dos d’un âne, un humble fils suivant sans discuter le plan de son père.
Être humble, est-ce une mauvaise chose alors que nous avons confiance en notre Père ? Si nous ne connaissons pas tous les tenants et aboutissements de l’histoire, peu importe puisque nous avons la même confiance que le Christ en Dieu lorsqu’il nous dit que « Tout va bien se passer. »
Jésus-Christ d’ailleurs, lui-même, ne savait pas tout, comme il l’a admis. Le jour du jugement dernier pour lui aussi est un mystère. Malgré cela, il a accepté la mort qui lui était destinée.
Alors, si nous chrétiens sommes si petits dans l’histoire, qu’est-ce qui se trouve à notre portée ? Une chose : ce sont les commandements de Dieu. Les commandements d’amour qui sont inscrits dans la Bible. C’est ce que Jésus dit à ses disciples, avant sa mort, et après son retour, et c’est même ainsi que les quatre évangiles se terminent. Tous s’achèvent par ces mots : « Vous disciples, allez partout sur la Terre, racontez la bonne nouvelle, enseignez et suivez mes commandements. »
Notre rôle, deux mille ans plus tard, est toujours le même. Chacun d’entre nous est un messager. Chacun d’entre nous a le rôle de partager la paix du Christ, la bonne nouvelle de sa venue.
Voilà notre rôle dans le plan divin. Le rôle que Jésus nous a offert.
Amen.
Saint-Dié – Vincent Vinot – 13 février 2022