- Accueil
- Cultes et prière
- Prédications
- Évangile selon Luc 23 / 35-43
Évangile selon Luc 23 / 35-43
Partage
texte : Évangile selon Luc 23 / 35-43
lectures : Évangile selon Luc 22 / 52 – 23 / 56
chants : 33-16 et 33-26
téléchargez le fichier PDF ici
« Le peuple se tenait là et regardait. » « Sauve-toi toi-même ! » Ces deux phrases clefs de ce dernier extrait du récit disent tout. Ils disent la passivité des gens, peut-être leur tristesse, peut-être leur incompréhension, peut-être leur attente… mais en tout cas, oui, leur passivité, j’oserais dire : leur abstention… Et puis ce cri repris en chœur par tous les acteurs de cette tragédie, cette folie de croire qu’on peut se sauver soi-même ; sûrement leur espérance pour eux-mêmes, mais une espérance toujours déçue, au point qu’à l’égard du crucifié cela devient une moquerie, ou bien un regret, mais personne n’attend que cela arrive… Même l’un des autres crucifiés, qui, bien sûr, lui, n’a pas pu se sauver lui-même ! En plus des moqueries, de la demande folle qui épouse la voix du Tentateur, demande à laquelle personne ne croit, seules deux voix disent autre chose : les chefs qui reconnaissent qu’ « il a sauvé les autres », et le premier des autres crucifiés qui rajoute : « sauve-nous ! »
Ce qui se joue sur la croix de Jésus n’est donc pas l’échec de Jésus, mais notre salut à nous. Jésus est-il celui en qui nous avons le salut, c’est-à-dire la communion avec Dieu, la liberté, la vie éternelle ? Ou bien est-il un imposteur ? Les silencieux se posent la question, mais ça ne sert à rien. Les chefs confessent que Jésus sauve, mais ils n’ont pas compris que ça pouvait aussi être pour eux, convaincus qu’ils sont de ne pas en avoir besoin : ce sont eux qui ont fait crucifier Jésus ! Les autres acteurs considèrent Jésus comme un imposteur, dont la mort va signer cette imposture en tant que telle. Une seule voix va maintenant dire le contraire, lorsque les autres voix se taisent enfin. Celle du second des autres crucifiés. Lui a compris que c’est cette mort-même de Jésus qui est le salut, son salut à lui, criminel. Il confesse Jésus sauveur, et il se soumet à lui, il confesse dépendre de Jésus.
Je ne vous surprendrais pas en disant que c’est lui qui nous est donné comme modèle. Non pas la foule. Non pas les chefs. Non pas les soldats ou l’autre crucifié. Mais seulement cet homme, crucifié, lui, à cause de ses œuvres, recevant ce qu’il a mérité. « Le salaire du péché, c’est la mort. » (Rom. 6 / 23) Cet homme est l’image de nos propres vies, si honnêtes et dignes d’éloges seraient-elles. Car nos propres œuvres nous éloignent de Dieu, elles procèdent du péché originel qui travaille nos existences jusqu’à la mort. Point n’est besoin d’être criminel au sens de la justice humaine : de Dieu nous ne méritons rien ; nous sommes, nous, incapables de nous sauver nous-mêmes, de gagner notre vie, au sens fort de l’expression. Mais l’homme crucifié à côté de Jésus ne s’arrête pas à cette constatation qui était aussi celle de son camarade. Lui se tourne vers Jésus, il exprime sa confiance en Jésus. Il a compris qui est Jésus, et que la mort de Jésus le mènera à la victoire.
Non seulement il sait que Jésus est innocent, lui, le seul de toute l’humanité, le seul être humain en parfaite communion avec le Père. Mais il confesse pour lui-même que le salut est seulement en Jésus. Seulement, il le croit pour la fin des temps, comme Marthe lors des obsèques de son frère Lazare (Jean 11 / 24) ; il l’attend « quand [Jésus] viendra dans [son] règne. » C’est le seul point sur lequel Jésus le dément avec bonheur : « avec moi », dit-il, c’est pour « aujourd’hui » ! Car le règne du Christ, c’est « aujourd’hui ». Chers amis, nous ne célébrons pas un événement tristement douloureux d’il y a 2 000 ans : tellement d’autres aussi monstrueux ou pires se passent tous les jours sur notre terre, que ce soit en Ukraine ou ailleurs, par la main des hommes ou par la nature. Mais nous célébrons le sens pour nous aujourd’hui de cet événement qui, à cet égard, est unique au monde. C’est qu’avec Jésus, nous pouvons être « aujourd’hui dans le paradis », nous pouvons vivre aujourd’hui la vie éternelle qui nous a été promise, quelque condamnation que nos œuvres nous méritent par ailleurs.
Le rappel du récit de la Passion de Jésus est là pour ça. Nous seulement pour nous en remettre en mémoire une fois par an les détails, dont chacun est plein de sens pour notre foi. Mais aussi pour en souligner l’actualité. Blaise Pascal écrivait que « Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde. Il ne faut pas dormir pendant ce temps‑là. » Manière de dire que la croix de Jésus est notre aujourd’hui, à quelque époque que nous vivions. Et qu’alors, lorsque nous avons conscience de cette réalité, ce n’est pas l’attitude de la foule qui doit être la nôtre : elle, elle dort, ou c’est tout comme ! Mais c’est l’attitude du second crucifié : nous tourner vers Jésus crucifié, qu’il nous fasse vivre « aujourd’hui avec [lui] », et non pas seuls, perdus dans un monde inhospitalier, tournés vers nous-mêmes en oubliant les autres, comme le premier crucifié. La vraie vie commence aujourd’hui, elle commence avec Jésus, Jésus souffrant et mourant pour nous, elle se vit les uns avec les autres dans son Église, dans la fraternité de toux ceux et celles qui vivent de la mort et de la vie de Jésus.
Ces textes de la Passion témoignent donc bien d’un Évangile, une « bonne nouvelle » dont nous avons à vivre et que nous avons à colporter. Lorsque nous nous souhaiterons de « joyeuses Pâques » dimanche, nous n’oublierons pas qu’elles sont joyeuses pour nous de ce que Jésus a donné sa vie pour nous, pour nous amener avec lui devant le Père, chaque jour, à chaque heure. Il a payé le prix de notre liberté d’enfants de Dieu. Grâces lui en soient rendues. Amen.
Saint-Dié – David Mitrani – 15 avril 2022