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Évangile selon Matthieu 5 / 13-16
Partage
texte :
« Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on ? Il ne sert plus qu’à être jeté dehors, et foulé aux pieds par les hommes. Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée ; et on n’allume pas une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais on la met sur le chandelier, et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. »
premières lectures : Ésaïe 2 / 1-5 ; Épître aux Éphésiens 5 / 8-14
chants : 13-01 et 55-11
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prédication :
Chers amis,
Vous êtes le sel de la terre ! Peut-il y avoir plus grand compliment que de dire d’une personne : « Des gens comme lui, comme elle sont, le sel de la terre ».
Et c’est de cette manière que le Christ s’adresse à nous et qu’il nous fait savoir à nous aussi, aujourd’hui : « Vous êtes le sel de la terre »
Dans le monde antique, le sel était un bien précieux. Dans l’Empire Romain, à certaines époques, la solde des légionnaires était payée en ration de sel. Aux yeux de ces mêmes Romains, le sel était la chose la plus pure qui soit, puisqu’il venait à la fois de la mer et du soleil, deux choses considérées par excellence, comme pures.
Dans le judaïsme le sel joue aussi un grand rôle, en particulier dans le culte du temple. Le sel est ajouté à tous les sacrifices et on l’ajoute même à l’encens. Il symbolise l’alliance entre Dieu et les hommes.
Mais lorsque Jésus nous dit que nous sommes appelés à être le sel de la terre que devons nous comprendre ?
Trois aspects liés au sel retiendront notre attention, le sel comme symbole de pureté, le sel comme condiment qui conserve et enfin le sel comme rehausseur de goût.
Première caractéristique, la pureté ! Dans le monde de Jésus, le sel en effet caractérise la pureté. Mais la pureté est une notion difficile à définir.
Certains y décèlent sans doute une connotation un peu moralisante et même culpabilisatrice. Trop souvent on oppose la pureté à tout ce qui de loin ou de près touche à la sexualité.
Mais la pureté concerne avant tout les multiples pensées et sentiments qui habitent notre cœur. Ces pensées et sentiments ne sont pas des notions abstraites, désincarnées, des simples vues de l’esprit, ce sont au contraire de véritables forces, des énergies, souvent le moteur qui alimente toutes nos attitudes et qui nous pousse à l’action.
Dans ce contexte, parler de pureté, c’est attirer notre attention sur le fait que les pensées et les sentiments que nous venons de définir comme des forces et des énergies peuvent effectivement être mises au service du bien ou au service du mal.
Parler de pureté, c’est donc une invitation à être vigilant et attentif à ce qui se joue en nous, dans le secret de notre cœur, car c’est dans ce riche terreau que s’enracine tout ce qui nous anime, nous motive et nous pousse à agir dans un sens ou dans un autre.
A partir de là, selon nos choix, nous pouvons développer des attitudes heureuses, positives. Mais c’est aussi à partir de ce terreau que se cultivent le ressentiment, la jalousie, l’amertume et la méchanceté.
Le Christ, nous invitant à être sel de la terre, c’est comme s’il nous incitait à être attentifs aux énergies, aux forces psychiques que nous privilégions, que nous laissons se développer en nous et nous animer.
Pures, nos pensées contribueront à développer des relations bonnes et saines, des relations de confiance et de joie, des relations d’amour. Impures, nos pensées seront aux service du diable, en nous rappelant que le diable, Satan, au sens premier du terme, est celui qui accuse, qui divise, qui sème la zizanie, celui qui fait trébucher et qui, au final, détruit.
Mais le disciple est appelé à vivre l’Évangile, c’est à dire défendre des valeurs qui édifient, qui construisent, qui rapproche les hommes. Et c’est en cela que nous voulons toujours à nouveau nous appliquer à mettre en pratique un idéal, une éthique, basée sur le respect de l’autre et plus encore sur l’amour. En effet la pureté seule n’est pas suffisante, il ne faut jamais oublier de la marier à l’amour, cette force ultime qui console, redresse et guérit ce qui a été blessé et meurtri par la vie.
Voilà ce que c’est que de faire œuvre de pureté. Ce n’est pas être meilleur que les autres, sans tache, sans fautes, mais c’est toujours avoir le souci de ce qui édifie, œuvrer pour le bien.
Et pour cela, il nous faut, de manière constante, ouvrir notre vie au levain de l’Évangile, à la Parole du Christ pour que cette Parole la travaille et la transforme. Seule la Parole biblique nous guide, nous garde sur nos chemins et nous préserve des impasses et des chemins de morts.
Deuxième caractéristique, le sel a des vertus préservatives et antiseptiques.
Dans nos régions, avant de connaître le congélateur, les aliments, notamment la viande, étaient préservés grâce au salage.
Un domaine qui a le plus souffert de l’évolution des mentalités, c’est tout ce qui touche dans notre société au relationnel, aux liens familiaux, aux liens de voisinage, de proximité.
Attention, nous n’avons pas forcément à nous engager dans je ne sais quelle croisade des bien pensants, dans un conservatisme frileux. Mais face à un monde qui fonctionne sur un mode de plus en plus individualiste et égoïste, sur le mode : N’aie aucun regret, ne doit rien à personne, sois à l’écoute de toi, de tes désirs de tes rêves, il ne tient qu’à toi de te singularise, de te réaliser, il est interdit d’interdire, une chose et son contraire sont compatibles…. Et bien, face à cette conception de la vie, je vois comme une action salutaire, préservative le souci de rappeler le message de l’Évangile du don, de la bonté, de la gratuité dont le Christ nous montre le chemin et que nous voulons vivre dans nos relations.
Remarquons que l’ouverture et l’attention à l’autre ne vont pas sans sacrifice. Et force est de constater que notre époque, plus que toute autre, répugne au sacrifice, chacun vivant dans la crainte perpétuelle de passer à côté de l’essentiel, chacun réclamant sa petite place au soleil, avec désir d’en profiter au maximum. Aussi, en tant que disciples du Christ, devons-nous ne pas avoir peur de réhabiliter l’idée de sacrifice, nous devons affirmer haut et fort que sans un esprit de sacrifice librement accepté, il n’est pas possible d’être fidèle au Christ. Cette idée de sacrifice est une question de liberté intérieure, qui me permet de laisser pleinement exister l’autre.
Je peux céder ma place, j’ai la liberté de laisser l’autre passer avant moi, et je peux accepter que dans cette perspective l’autre a toujours sur moi la prééminence.
Ici aussi le moteur dernier est l’amour. Voilà ce qui, non seulement, préserve les relations, mais encore les enrichit et les approfondit.
Enfin troisième caractéristique, le sel, c’est ce qui donne du goût. Par extension, nous osons affirmer, OUI, l’Évangile du Christ donne du goût, de la saveur à notre vie.
Songeons un instant à ceci : Quelle serait ma vie, si l’Évangile ne m’avait pas été annoncé ? Où serais-je ? Que ferais-je à cette heure-ci ?
Des pans entiers de mon existence seraient autres, si je n’avais pas entendu et reçu l’Évangile.
Oui, l’Évangile transforme notre vie. Bien au delà de ma petite personne, cet Évangile transforme concrètement chaque jour des situations fermées et ouvre des chemins nouveaux.
Nous sommes donc invités à être sel, à partager l’évangile parce que nous croyons que l’Évangile libère les personnes, change et humanise les relations, le monde.
Vous êtes sel, vous êtes la lumière !
Sans doute cette exhortation est parfois difficile à porter ?
Et puis, nous ne voulons pas avoir l’outrecuidance de nous imaginer rayonner de je ne sais quelle lumière supérieure.
Mais simplement, nous sommes sel et lumière en étant témoins de celui qui affirme de lui-même. « Je suis la lumière du monde ». Parce que nous avons eu la grâce de recevoir un jour cette lumière en nos cœurs, nous voulons humblement et dans la joie essayer de refléter un peu de cette lumière, répandre un peu de ce sel. Partager ces dons que nous avons reçus, qui ont fructifié en nous, qui nous ont enrichis et qui nous permettent d’être à notre tour fécond, à porter un peu de fruits et à l’offrir gracieusement. En cela nous sommes les heureux disciples de celui qui est au cœur de nos vie, Jésus-Christ.
Amen.
Saint-Dié – Patrick Cloysil (d’après Georges Hufschmitt) – 30 juillet 2023