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Actes des Apôtres 2 / 14. 36-41
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texte :
Pierre se tenant avec les Onze éleva sa voix et leur proclama : « Hommes Judéens et [vous] tous qui résidez à Jérusalem, que ceci vous soit connu, et prêtez l’oreille à mes discours : […]
Que toute la maison d’Israël connaisse avec certitude que Dieu le fit et Seigneur et Christ, ce Jésus que vous, vous avez crucifié. » [Ce qu’]entendant, ils eurent le cœur transpercé et dirent à Pierre et aux autres apôtres : « Que ferons-nous, hommes frères ? » Pierre leur [dit] : « Convertissez-vous, et que chacun de vous soit baptisé dans le nom de Jésus Christ pour la rémission de vos péchés, et vous recevrez le don du Saint Esprit. Car [c’est] pour vous [qu’]est la promesse et pour vos enfants et pour tous ceux [qui sont] au loin, autant qu’en appellera [le] Seigneur notre Dieu. » Et par plusieurs autres paroles il témoigna ; et il les exhortait, en disant : « Sauvez-vous de cette génération tordue. » Ainsi donc ceux [qui] accueillirent sa parole furent baptisés, et furent ajoutées en ce jour-là environ trois mille âmes.
premières lectures : Ézéchiel 37 / 1-14 ; Évangile selon Jean 10 / 1-10 ; 15 / 1-8
chants : 36-10 et 36-04
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prédication :
C’est un rêve ! Il ne s’agirait pas de la mort de Jésus, ce serait un rêve, un rêve de puissance : je prêche dans la rue, et 3 000 personnes qui m’ont écouté sans se lasser se convertissent ! Ce n’est pas comme Paul à Athènes, où les gens se moquèrent de ce qu’il leur avait dit et l’envoyèrent balader, sauf 2 qui sont nommés et quelques autres (Actes 17 / 32-34). En fait, si ce rêve se réalise pour ce qu’on appelle les « megachurches », ce n’est pas souvent le cas dans notre Église ! D’abord, certes, je ne suis pas l’apôtre Pierre ni l’un de ses collègues de l’époque. Mais peut-être que je – que nous nous y prenons mal ? Ah ! Mais ce n’est pas une affaire de stratégie ni de tactique. Notre texte ne dit-il pas que c’est Dieu qui appelle ? Mais si c’est lui qui m’envoie, qui nous envoie, pourquoi ne donne-t-il pas le succès à ce qui, après tout, est sa mission ? Et puis… sommes-nous si souvent dans la rue, à vouloir « sauver des âmes », comme on disait autrefois ? Allons, supposons que nous ayons un nouveau projet d’Église qui consiste à vivre ce qui est raconté dans notre texte… Eh bien, lisons donc d’abord le texte comme il faut !
Ne négligeons pas que les apôtres, pour accomplir cette mission, ont été « remplis du Saint Esprit » (Actes 2 / 4) promis par Jésus (Actes 1 / 8). Sans doute devrons-nous commencer par là, ou plutôt nous laisser faire quand Dieu commencera par là. Nous reparlerons de ceci à Pentecôte ! Mais rappelez-vous déjà cet autre texte, celui de la vision d’Ézéchiel des ossements desséchés : il faut demander, invoquer le Saint-Esprit, avec la promesse que le Père le donne à qui le lui demande (Luc 11 / 13).
Ceci étant posé, revoyons les conditions de l’annonce que Pierre fait à la foule juive présente à Jérusalem pour la Pentecôte. Tout d’abord il y a l’importance de ce discours. Pierre croit à l’importance de ce qu’il a à dire, et il demande à ses auditeurs la même conscience de cette importance. Il n’annonce pas une vague conviction qui serait sienne, ou une vague connaissance d’un fait passé auquel il aurait assisté ou eu connaissance lui-même. Non, ce qu’il a à dire vaut le coup, pour lui, de tout risquer – car sa prise de parole n’est pas sans risque – et ça vaut le coup pour les gens de s’arrêter pour l’écouter et pour en retirer quelque chose pour eux-mêmes. Ce qu’il a à dire concerne l’intime de la vie de chacun, ce qu’il a à dire peut changer les vies, profondément. Avons-nous, quant à nous, cette conscience de l’importance de notre parole chrétienne ? Si pour nous elle est anodine, n’embêtons personne avec ! « Ils ont Moïse et les Prophètes, qu’ils les écoutent ! » (Luc 16 / 29) Ou bien si nous sommes tellement convaincus par la Libre-pensée et tous les discoureurs des réseaux sociaux, des media et des bistrots que la religion est une affaire uniquement privée, alors évidemment taisons-nous, soyons heureux de notre religion privée et mourons tout seuls avec elle !
Notre texte, lui, nous montre autre chose : une espèce d’urgence, où il est question de salut, de changement, où il est question du Nom de Jésus, car « Dieu l’a souverainement élevé et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au Nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père. » (Phil. 2 / 9-11) Évidemment alors, l’importance de ceci me dépasse. Et… non, ça ne me dépasse pas, j’en suis partie prenante, car moi aussi j’ai été « baptisé dans le Nom de Jésus Christ ». Mon témoignage public ou celui de mon Église n’est pas une affirmation de l’importance du protestantisme, ce dont tout le monde se moque raisonnablement. Mais c’est une affirmation fondamentale pour moi et pour le monde, à savoir que Jésus est mort et ressuscité, et que cette résurrection, que nous fêtons depuis Pâques et tous les dimanches de l’année, est la chose la plus importante au monde, bien plus que tout ce qu’on entend à droite ou à gauche, bien plus que la richesse ou la pauvreté, bien plus que le pétrole ou le nucléaire, bien plus que l’Islam ou la Russie ou la Chine ou l’Occident ou… etc.
C’est plus intimidant que d’être journaliste aux infos télévisées ou influenceur sur les réseaux sociaux : je suis envoyé, mon Église est missionnée, pour annoncer au plus de monde possible que la vie de chacun est en Jésus-Christ, et qu’en lui la mort, le péché, l’oppression, sont détruits, vraiment, pour toujours. Les péchés de chacun, eux, sont remis, pardonnés, annulés. Mais ce qui abîme les humains, justes ou pécheurs, c’est ça qui est détruit dans la mort et la résurrection de Jésus. Et c’est ce dont j’ai à témoigner, à rendre compte à des gens qui n’ont sans doute pas conscience de cela. Et qui en meurent… Ma fidélité dans ce témoignage est une question de vie et de mort, mais pas pour moi : moi, « je sais en qui j’ai cru » (2 Tim. 1 / 12). C’est question de vie et de mort pour ceux qui ne savent pas, qui ne se savent pas aimés de Dieu, qui n’ont pas entendu la bonne nouvelle par laquelle ils ont la vie s’ils lui font confiance. Quelque part, ma responsabilité, comme chrétien et comme Église, n’est pas anodine…
Le texte de ce jour nous montre un miracle, quelque chose d’extraordinaire : des gens, qui ne sont pas plus bêtes que nous, reçoivent l’Évangile comme quelque chose qui leur « transperce le cœur ». Il sont touchés, ébranlés, remis en question, par ce qu’ils entendent. Évidemment, ça ne risque pas de se passer si j’annonce un Évangile rose bonbon, un Dieu gentil qui aime tout le monde, point barre. Parce que ça, ça n’a pas de rapport avec la vraie vie. Ce qui a rapport avec la vie des gens, si ça a d’abord rapport avec la mienne, c’est un Seigneur crucifié, c’est la victoire de la confiance en Dieu à travers le choix assumé de la faiblesse. La devise bien protestante, « à Dieu seul la gloire », trouve bien là son explication : le Christ n’a rien gardé de lui pour lui-même, et à sa suite je suis moi-même appelé à ne rien garder de moi pour moi, mais à laisser Dieu se servir de ce qu’il veut comme il veut, dans ma vie aussi bien qu’ailleurs, avec ou sans ma permission ! L’apôtre Pierre va devoir l’éprouver, comme Jésus le lui annonçait à la fin de l’évangile de Jean (21 / 18-19). Et dans une autre mesure, moi aussi – et vous aussi, mes frères et sœurs !
Alors seulement notre proclamation de l’Évangile, en mots et en gestes, trouvera son efficacité : si je le vis jusqu’au bout. Il n’y a pas d’Évangile sans conversion, sans retour à Dieu – et comme nous sommes « nés dans l’esclavage du péché, enclins au mal, incapables par nous-mêmes d’aucun bien », selon ce que priait Calvin, il nous faut sans cesse revenir à Dieu avec son aide, nous re-tourner sans cesse vers lui, tant notre vieille nature veut y échapper. C’est à cause d’elle que nous transformons l’Évangile en religion et qu’ainsi il perd tout intérêt pour les autres comme pour nous. Mais l’Esprit saint ne nous laisse pas nous y enfermer, heureusement pour nous, même si c’est malheureusement pour notre tranquillité. Dieu nous appelle sans cesse, comme il veut appeler les autres et se servir de nous pour cet appel plus large.
Pour se retourner vers Dieu, pour retourner à lui, il faut bien se détourner d’autres choses, il faut bien se détourner des mirages de « cette génération tordue », c’est-à-dire des mirages de notre monde, par lesquels le satan nous attire loin de Dieu et plus bas que terre : l’idée que notre vie dépend de nous, et donc de notre puissance, de notre santé, de notre richesse, de notre statut, etc. Voulant être nos propres maîtres, nous nous faisons esclaves de tout, et c’est dans cet état que l’Évangile nous trouve, et c’est de cela qu’il nous annonce qu’en Christ nous sommes libérés. Rappelez-vous l’introduction du traité luthérien De la liberté chrétienne : « Un chrétien est un libre seigneur de tout et il n’est soumis à personne ; un chrétien est un serf corvéable en tout et il est soumis à tout le monde. » Pour accomplir ce qui est attendu de moi dans le service de mes frères et sœurs et des plus petits, il me faut recevoir la liberté qui m’est obtenue par le Christ, et me défaire de ce qui l’empêche de s’exercer. Or ce ne sont pas les autres qui m’empêchent d’être libre, c’est moi !
Le baptême est le signe, le moyen à travers lequel toutes ces choses sont noyées dans la mort de Jésus Christ, le signe qu’avec lui j’en ressors ressuscité, en nouveauté de vie (Rom. 6 / 3-11), d’une vie non plus à gagner mais offerte, à moi d’abord, par moi ensuite. La réalité du baptême suppose d’écouter, de recevoir, la parole évangélique, et de vouloir en vivre. La question de savoir si ceci se passe avant, pendant ou après l’acte liturgique me semble de peu d’importance, voire de peu de pertinence. L’important n’est-il pas ce que le Saint Esprit accomplit où et quand il veut ? L’espérance de l’Église, c’est qu’il le fait, pour nous « et pour nos enfants et pour ceux qui sont au loin, en aussi grand nombre que notre Dieu les appellera ». La cohérence et la responsabilité de notre foi, c’est de le laisser faire quand il le fait ! C’est-à-dire, comme Pierre dans notre texte, d’y aller quand l’Esprit nous en donne l’occasion, afin que la même occasion serve à d’autres pour rencontrer le Seigneur et recevoir son Esprit.
Notre culte sert à ça, mais seul il ne sert qu’à nous-mêmes, la plupart du temps c’est de l’autoconsommation… La vraie vie, c’est dehors, afin que nous y allions pour redonner et distribuer la Parole que nous avons reçue ici et dont nous voulons vivre nous-mêmes. Parce que, dehors, il y a plein de gens qui ont, autant que nous, besoin de cette Parole de vie, et qui n’entreront pas dans nos temples et nos cultes avant de l’avoir reçue par notre intermédiaire. N’avez-vous pas envie qu’il y ait bientôt 3 000 personnes de plus à nos cultes et nos missions ? Allons donc les appeler ! Amen.
“Notes bibliques et prédications” et Saint-Dié – David Mitrani – 30 avril 2023