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Première épître de Pierre 4 / 19 – 5 / 7
Partage
texte :
Que ceux qui souffrent selon la volonté de Dieu remettent leur âme au fidèle Créateur en faisant le bien. J’exhorte donc les anciens qui sont parmi vous, moi, ancien comme eux, témoin des souffrances du Christ et participant à la gloire qui doit être révélée : faites paître le troupeau de Dieu qui est avec vous, non par contrainte, mais volontairement selon Dieu ; ni pour un gain sordide, mais de bon cœur ; non en tyrannisant ceux qui vous sont confiés, mais en devenant les modèles du troupeau ; et, lorsque le souverain pasteur paraîtra, vous remporterez la couronne incorruptible de la gloire. De même, jeunes gens, soyez soumis aux anciens. Dans vos rapports mutuels, revêtez-vous tous d’humilité, car Dieu résiste aux orgueilleux, mais il donne sa grâce aux humbles. Humiliez-vous donc sous la puissante main de Dieu, afin qu’il vous élève en temps voulu. Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, car il prend soin de vous.
premières lectures : Ézéchiel 34 / 1-2. 10-16 ; Première épître de Pierre 2 / 21b-25 ; Évangile selon Jean 10 / 11-16. 27-30
chants : 22-04 et 31-32
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prédication :
Il est toujours délicat pour un pasteur de tomber sur les textes qui s’adressent aux pasteurs, que ce soit pour les exhorter ou les condamner ! Parmi les nombreuses solutions de fuite, j’ai retenu celle qui consiste à élargir le texte, à y rajouter les versets qui précèdent et qui replacent le texte dans son contexte, et les versets qui suivent et qui s’adressent à d’autres gens… 4 versets de plus, mais le texte du jour n’en comptait que 4 : j’ai donc doublé la longueur du texte ! Me le pardonnerez-vous ? Autre moyen de fuite pour moi, mais que je compte bien utiliser aussi maintenant, c’est de considérer que je ne suis pas le seul pasteur de cette Église, mais que tous, d’une manière ou d’une autre, nous pouvons être concernés par ce texte de l’apôtre Pierre.
Quant au contexte, avec la première phrase de l’extrait que je vous ai lu et les versets qui précèdent, cela semble bien être un contexte de persécution, serait-elle limitée : des gens souffrent à cause de leur foi chrétienne, comme c’est encore le cas dans de nombreux endroits du monde aujourd’hui. Et ils se disent : « mais je n’ai rien fait de mal ! » Contrairement aux « amis de Job », le texte ne dit pas le contraire, mais il les exhorte à tenir bon, à continuer à « faire le bien » en se confiant dans le Seigneur. Ainsi, quel que soit le contexte de l’existence concrète des chrétiens et de leurs Églises, il n’y a jamais de raison de cesser de faire confiance à Dieu notre « fidèle créateur », comme l’écrit Pierre. Les souffrances justes ou injustes ne sont pas une raison. La persécution n’est pas une raison. La perte de statut social n’est pas une raison. Quand bien même nous ne serions plus que 2 ou 3 dans toute la Déodatie à nous réunir avec le Seigneur, il n’en serait pas moins là, au milieu de nous (Matth. 18 / 20), notre Seigneur et Sauveur.
Et si même les souffrances personnelles ou communautaires ne sont pas une raison de cesser de faire confiance, c’est d’autant plus vrai que ce Seigneur et Sauveur a exercé sa seigneurie et son salut à notre égard précisément à travers les souffrances, ses souffrances, sa Passion et sa mort ignominieuse. Nos souffrances ne sont rien comparées aux siennes, car les nôtres ne servent à rien sinon à avoir mal, tandis que les siennes nous ont obtenu le salut et la vie éternelle. Et de ceci, nous sommes témoins, non pas par nos propres souffrances, mais par notre confiance en un tel Dieu même à travers les souffrances, et par le fait que nous nous conformons à sa volonté. Nous participons ainsi, déjà, à la gloire à venir, celle des enfants de Dieu (cf. Rom. 8 / 21).
Oserai-je alors dire qu’il en est ainsi pour les « ministres du saint Évangile », comme on disait autrefois ? Ce qui est en question n’est pas la qualité de la prédication, qui est quelque chose d’éminemment subjectif. Ce qui est en question, c’est la qualité qui justifie le titre de « pasteur », à savoir la fonction de faire paître le troupeau. Je ne sais d’ailleurs pas quelle était l’organisation des Églises auxquelles Pierre écrivait : dans cette épître, il semble en tout cas que les dirigeants sont les « anciens », anciens tant par leur âge que sans doute par leur ancienneté dans la foi et par la reconnaissance des autres membres de l’Église. Les cités elles-mêmes n’étaient-elles pas aussi dirigées par des « anciens » ? Confondriez-vous les conseillers presbytéraux et les conseillers municipaux ? Vous ne seriez pas loin de la vérité : Dieu confie le bon gouvernement aux uns comme aux autres, et c’est de cette gouvernance qu’il est question ici.
Je prends donc bien pour moi l’exhortation en tant que pasteur, et qui plus est pasteur « mercenaire », qui vis grâce à vos dons et non par mon travail. Ce « gain » est-il « sordide », comme le craignait Pierre ? Je ne le pense pas, mais si vous, vous le pensez, dispensez-vous-en ! Je n’ai pas non plus le sentiment de vous « tyranniser » ou de vous « contraindre », même si la force de proposition d’un pasteur, qui plus est président du « collège des anciens », n’est ni anodine ni vaine. Mais le troupeau n’est pas mien : un seul est le vrai pasteur, et ce n’est pas moi ! Et de nouveau, l’apôtre Pierre nous renvoie au Christ, « le souverain pasteur » qui a « donné sa vie pour [ses] brebis », comme Jésus le disait dans le texte de l’évangile. Le métier de « faire paître le troupeau de Dieu » n’a de sens que référé à ce « vrai pasteur » ou « bon berger », selon les traductions. Je ne ferai pas de plaidoyer pro domo : le conseil presbytéral est maître de mon ministère et peut le juger ou le réorienter autant que de besoin…
Mais comme je vous l’ai annoncé, je veux plutôt vous rendre attentifs à ce qui est requis de nous, certes comme pasteur et comme conseillers presbytéraux, catéchètes, prédicateurs, diacres, etc., mais aussi tout simplement comme chrétiens, chacun responsable de ses frères et sœurs. Car si une grosse paroisse ou communauté suppose et permet une répartition des responsabilités, une plus petite, comme la nôtre, a bien besoin que chacun prenne à sa charge ce qui lui est confié par le Seigneur à l’égard des autres : sa famille, ses voisins et amis, les membres isolés ou malades de la communauté, le petit entretien des bâtiments communautaires, la nourriture des autres, et plus important encore et tout simplement le témoignage à rendre à l’Évangile du Christ, celui de la grâce de Dieu qui nous aime et nous sauve gratuitement par la foi dans la mort et la résurrection de son Fils.
Dans toutes ces relations et responsabilités petites ou grandes, chacun peut entendre pour lui-même les exhortations de l’apôtre Pierre et comprendre combien cela va au-delà d’un simple engagement associatif. Nous y sommes « témoins des souffrances du Christ » et non pas de notre propre gloire. Car la tentation du Pharisien nous guette tous : « Ô Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des humains, accapareurs, injustes, adultères […] : je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tous mes revenus. » (Luc 18 / 11-12) Nous arrivons très facilement à être fiers de ce que nous faisons, des responsabilités que nous exerçons, des services que nous rendons, de l’engagement qui est le nôtre, et nous attendons plus ou moins consciemment de la reconnaissance en retour. Pour qui donc nous prenons-nous alors ? Avons-nous donc souffert ce que le Christ a souffert pour nous ? Nos frères et sœurs nous sont-ils redevables, ou bien est-ce à Dieu qu’eux et nous, nous le sommes ?
Voilà bien pourquoi tant Ézéchiel que Jésus selon Jean et que Pierre nous avertissent : faisons ce qui nous est confié dans la gratitude, la confiance et la soumission envers l’unique Seigneur, le seul chef de l’Église, et servons nos frères et sœurs non pour nous, mais pour eux et pour lui ! Veillons à vivre des relations cordiales et désintéressées, et à refléter au maximum non pas notre bonne volonté, mais celle de Dieu envers nous. C’est Jean qui écrira dans une autre lettre : « Quant à nous, nous aimons, parce que [Dieu] nous a aimés le premier. » (1 Jean 4 / 19)
La fin de l’extrait que je vous ai lu semble s’adresser, après les « anciens », aux « jeunes gens », ce qui semble couler de source. Pourtant il est tout de suite question de quelque chose qui concerne tout le monde : « Dans vos rapports mutuels, revêtez-vous tous d’humilité, car Dieu résiste aux orgueilleux, mais il donne sa grâce aux humbles. » Évidemment que cela s’applique aux « plus jeunes ». Mais cela ne s’applique-t-il pas aussi aux « plus anciens », qu’il s’agisse des vieux ou bien des dirigeants de l’Église ? L’humilité qui est requise est donc bien l’équivalent de ce qui était dit jusque là, elle est la seule manière d’être qui convienne devant « la puissante main de Dieu » qui a opéré notre salut par la mort victorieuse de son Fils. Cette humilité n’est pas prêchée ici en vue de s’exercer à nos propres yeux – « qu’est-ce que je suis humble !!! » – ni seulement devant Dieu, mais, nous dit Pierre, « dans vos rapports mutuels ».
Ça me fait penser à un autre texte, dans la lettre à Timothée, quand l’auteur écrit que, pour la prière, « les hommes élèvent des mains pures, sans colère ni contestation. De même aussi, que les femmes, vêtues d’une manière décente, avec pudeur et modestie, se parent, non pas de tresses ou d’or, ou de perles, ou de toilettes somptueuses, mais d’œuvres bonnes… » (1 Tim. 2 / 8-10) Ainsi sont décriées les deux manières d’être dans la société, « genrées » de manière presque caricaturales : les hommes sont gens de pouvoir et les femmes gens de désir. C’est ce que déjà disait la conclusion du récit de la Chute, au tout début de la Bible (Gen. 3 / 16). Par delà la caricature, l’essentiel est bien que, dans la prière, Dieu se moque des apparences que se donnent les uns et les autres et qui ne disent rien de ce qu’ils sont vraiment. Eh bien aujourd’hui, Pierre nous dit la même chose pour nos relations entre nous : nous n’avons pas besoin de faire semblant, pas besoin d’arracher quoi que ce soit ni de séduire qui que ce soit, pas besoin des apparences du pouvoir ou de la séduction, et encore moins de la réalité du pouvoir ou de la séduction.
Pourquoi ? Parce que Dieu « prend soin de vous ». Le soin de vous-mêmes, le souci de vous-mêmes, vous n’avez plus besoin de vous en encombrer, ni comme hommes ou femmes, ni comme chrétiens, ni comme responsables. Dans le monde, chacun se protège comme il peut. Dans la foi, Dieu nous protège lui-même, quoi qu’il puisse nous arriver à vues humaines. Notre critère n’est plus la santé ni la sécurité, mais la croix de Jésus-Christ. C’est le critère pour notre propre vie, et c’est le critère qui fonde nos relations mutuelles, dans l’Église et autour de nous. Toute autre manière d’être ou de faire est empreinte de péché et mène à la mort alors-même que nous cherchons ainsi à l’éviter ! Et puisque Dieu a fait de nous, en Jésus-Christ, des frères et des sœurs, exerçons l’humilité qui convient en étant les bergers les uns des autres à l’image du « vrai berger » : c’est lui qui nous mène, les uns et les autres, sur les chemins de la vie éternelle. Amen.
Saint-Dié – David Mitrani – 23 avril 2023