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Première épître aux Corinthiens 15 / 1-11
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texte :
Je vous rappelle, frères, l’Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, dans lequel vous demeurez fermes, et par lequel aussi vous êtes sauvés, si vous le retenez dans les termes où je vous l’ai annoncé ; autrement, vous auriez cru en vain. Je vous ai transmis, avant tout, ce que j’avais aussi reçu : Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures ; il a été enseveli, il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures, et il a été vu par Céphas, puis par les Douze. Ensuite, il a été vu par plus de cinq cents frères à la fois, dont la plupart sont encore vivants, et dont quelques-uns sont décédés. Ensuite, il a été vu par Jacques, puis par tous les apôtres. Après eux tous, il s’est fait voir à moi comme à l’avorton ; car je suis, moi, le moindre des apôtres, je ne mérite pas d’être appelé apôtre, parce que j’ai persécuté l’Église de Dieu. Par la grâce de Dieu je suis ce que je suis, et sa grâce envers moi n’a pas été vaine ; loin de là, j’ai travaillé plus qu’eux tous ; non pas moi toutefois, mais la grâce de Dieu qui est avec moi. Ainsi donc, que ce soit moi, que ce soient eux, voilà ce que nous prêchons, et c’est ce que vous avez cru.
premières lectures : Premier livre de Samuel 2 / 1-9a ; Évangile selon Marc 16 / 1-8
chants : 23-10 et 41-05
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prédication :
Autrefois, les baptêmes avaient lieu dans la nuit de Pâques. Spirituellement et symboliquement, le baptisé commençait une vie nouvelle au moment-même où se levait le soleil du matin de Pâques, lequel avait vu Jésus se relever d’entre les morts. On était loin de l’effroi des femmes au tombeau, une épouvante qui les empêcha même d’en parler ! Et pourtant… Qui peut dire ce qu’est la résurrection, alors même que c’est à cause d’elle que nous avons été baptisés, comme Dominique ce matin ? Comment parler de l’indicible ? Quels mots poser sur ce que nous ne comprenons pas, sur ce que notre intelligence refuse, sans parler du refus de la plupart des gens qui nous entourent, et de notre société tout entière ?! Nous sommes dans un monde étrange et païen, dans lequel parler aux morts, croire à l’omniprésence des extra-terrestres parmi nous, croire à la réincarnation, croire que la terre est plate, sont choses courantes, mais où croire et parler de la résurrection de Jésus passe pour une ineptie et une insulte au bon sens…
Alors tant pis, soyons fous ! L’apôtre Paul, sans doute interpellé par ses paroissiens de Corinthe, utilise trois arguments auxquels les destinataires de sa lettre devaient être sensibles, et peut-être vous aussi…
Premier argument, celui qu’on appelle scripturaire : la Bible – entendez : les Écritures juives, notre Ancien Testament – la Bible avait annoncé à la fois l’assassinat de l’Envoyé de Dieu, le Christ, une mort véritable et non pas en apparence, et sa résurrection, « scandale pour les Juifs et folie pour les païens », comme Paul l’avait écrit au début de la lettre (1 / 23). Quant à sa mort, nous avons médité dessus ces derniers jours, lors de nos célébrations de Jeudi et Vendredi saints, et nous le faisons tout au long de l’année, à chaque fois que nous partageons le repas du Seigneur. Cette mort ne fut pas plus douloureuse ou ignominieuse que tant d’autres dans le monde à travers les âges. La différence, c’est que par cette mort particulière, celle de Jésus de Nazareth, c’est la vie-même de Dieu qui nous a été offerte ; car Jésus est le Fils de Dieu, pleinement homme comme nous, et pleinement Dieu lui-même, de la même divinité que le Père ; et c’est à cause de notre péché qu’il est mort afin de nous en racheter.
L’argument biblique est sans doute celui auquel nous autres, protestants, pouvons être sensibles en premier lieu. Lorsque la révélation biblique, la parole que Dieu nous adresse à travers les pages du vieux Livre, se heurte à ce que nous pensons ou aux sagesses du monde, alors – croyons-nous – c’est la parole entendue dans la Bible qui dit le vrai, et non pas nos pensées ni les sagesses qui nous environnent. N’est-ce pas à cause de la Bible, de la parole de Jésus, que nous avons baptisé Dominique tout à l’heure, et que nous tous l’avons été il y a un peu plus longtemps ? N’est-ce pas à cause de la Bible que les chrétiens sont unis, et n’est-ce pas aussi à cause d’elle qu’ils sont divisés, selon leurs interprétations particulière ? Or la Bible nous l’affirme : Jésus est mort et ressuscité, Jésus est vivant malgré sa mort, et la puissance de vie qui s’est manifestée à et par sa résurrection nous est donnée à nous. C’est un libre cadeau de Dieu que nous recevons par la foi, c’est-à-dire en lui faisant confiance.
Mais cet argument biblique ne serait rien sans des témoins en chair et en os ! Et c’est le second argument de l’apôtre Paul. C’est que Jésus a été vu vivant par un certain nombre de gens. Or il ne s’agit pas d’une hallucination collective. Il a été vu personnellement, nous dit Paul, par Pierre d’abord, puis par les Douze, puis par toute une assemblée, certes ; et ensuite par Jacques, et par les missionnaires, dont Paul lui-même. Vous me direz : il n’a été enregistré par aucun journaliste ! Ça aurait pu ! Mais lorsqu’ « il a été vu », cette apparition, ou plutôt cette rencontre, a toujours entraîné la foi. Alors oui, personne de « neutre » ne peut ni ne pourra jamais en témoigner, car aucun ne reste neutre d’avoir vu Jésus vivant. On peut avoir été confronté à sa résurrection, la savoir et n’en rien dire, comme les femmes au tombeau – mais elles ne l’avaient pas rencontré lui-même ! Mais on ne peut pas le voir vivant sans que la foi s’ensuive… et qu’on en parle ! Les croyants sont institués témoins par le fait-même. Devant Jésus ressuscité, il n’y a pas de possibilité de rester neutre, pas de possibilité de le croire seulement avec son intelligence.
L’argument des témoins ne porte, bien sûr, que si ces témoins sont encore vivants, que si on peut les rencontrer, les écouter, leur parler. Sinon ce ne serait qu’un paragraphe supplémentaire de l’argument biblique. Pour les Corinthiens de l’époque de Paul, l’argument des témoins portait : ils pouvaient aller les voir, comme Paul le leur précise : « la plupart sont encore vivants », écrit-il. Et puis, troisième et dernier argument : Paul lui-même. Il ne parle pas par ouï-dire, mais il témoigne de sa propre expérience. Il en dira plus sur cette rencontre dans une autre lettre (2 Cor. 12 / 2-9) : oui, il a rencontré ce Seigneur, même si ce n’est pas forcément avec les yeux ou les oreilles, et même s’il n’avait pas connu Jésus avant sa mort, ce que d’aucuns lui reprochent…. Dans le livre des Actes des Apôtres, l’auteur dira même que Paul en avait été rendu aveugle. Ou bien était-ce pour dire qu’il l’était avant de connaître le Christ ressuscité et de recevoir alors le baptême (Actes 9 / 3-18) ? L’affirmation que Jésus est ressuscité, et être baptisé, oui, cela va ensemble, depuis toujours.
Problème : aujourd’hui, les témoins de la résurrection de Jésus dont parle Paul sont tous morts depuis plus de 19 siècles ! Et rien dans la Bible ne nous permet de penser qu’on pourrait aller le leur demander : parler aux morts est une pratique diabolique ! Sommes-nous alors orphelins de vrais témoins ? Bien sûr que non. Parce que les vrais témoins d’aujourd’hui sont dans cette salle ! Si la foi n’était qu’une conviction, nous ne serions pas là, il y a des tas de choses intéressantes à faire ailleurs le dimanche matin… Et puis, devant la force des convictions contraires exprimées sans cesse par tout le monde et dans tous les médias possibles, nous aurions depuis longtemps abandonné une telle conviction socialement bien embêtante. Si nous sommes ici, c’est bien parce que la foi n’est pas une conviction, pas même seulement une rencontre, mais bien un engagement. Mais ce n’est pas le nôtre : c’est l’engagement de Dieu pour nous, c’est l’engagement de Jésus-Christ qui a donné sa vie et qui a vaincu la mort, afin que vous et moi nous en vivions et nous en témoignions.
Or cet engagement de Jésus, il nous le rend manifeste et efficace au cœur de nos existences présentes par son Esprit, dans la rencontre personnelle dont nous ne savons pas parler, mais qui nous transforme et qui nous fait résister à toute sorte d’épreuves. Je ne peux évidemment pas dire ni quand ni comment notre Seigneur fera signe à Dominique, ni si celui-ci saura en parler plus et mieux que la moyenne, ce que je lui souhaite ardemment. Mais nous nous sommes engagés tout à l’heure à témoigner devant lui de la vérité de la foi dans laquelle il a été baptisé. Cette vérité ne peut être que celle de notre propre foi, de notre propre rencontre avec le Seigneur ressuscité. Alors, frères et sœurs, il nous faut approfondir notre foi ! Il nous faut réaliser de plus en plus, de mieux en mieux, comment le Seigneur Jésus s’invite dans nos existences, non pas seulement dans nos pensés et nos sentiments, mais bien plus concrètement : comment sa vie actuelle rencontre et modifie la nôtre. C’est seulement de cela que nous pourrons témoigner.
Ce n’est pas un exploit de notre part que de vivre de la rencontre avec le Christ ressuscité. C’est un exploit de sa part à lui ! Car rien en nous ne le pourrait ni ne le mériterait. « Il s’est fait voir à moi comme à l’avorton », écrivait Saint Paul. Et nous pouvons reprendre à notre compte cette phrase ! Nous dont toute l’existence est entachée du fait que nous vivons la plupart du temps comme si Dieu n’existait pas ou n’était pas Dieu, c’est pourtant au cœur de notre existence amoindrie, bâclée, qu’il vient nous rencontrer et nous changer, faire de nous ses enfants. Puissions-nous alors confesser, comme Paul : « Par la grâce de Dieu je suis ce que je suis, et sa grâce envers moi n’a pas été vaine… » Oui, la rencontre avec le Christ change la vie et la mort, elle change la vie dès maintenant. Elle ouvre à l’espérance quand, sinon, on serait face à un mur ou face à la tombe. Elle permet l’amour à la place du repli sur soi. Elle rend libre ceux qui, sinon, seraient prisonniers du monde et d’eux-mêmes.
Ce que nous fêtons à Pâques, c’est la mort de la mort, y compris dans nos propres existences. Ce dont le jeune homme témoignait aux femmes venues embaumer le corps de Jésus. Mais le corps n’était plus là, Jésus n’était plus prisonnier de la tombe, et ces femmes non plus : voilà ce dont elles ont eu peur ! Et nous, aurons-nous encore peur d’être libérés de nos tombes ? Ce serait bien dommage ! Apprenons donc à témoigner les uns aux autres de ce que le Christ est vivant et s’est invité dans nos vies. Ainsi nous saurons en témoigner aussi à Dominique et à tous les autres qui ne le savent pas encore, que ce soit dans nos foyers ou sur les places de nos villes et villages. Car, oui, Christ est vivant, il est ressuscité, il est vraiment ressuscité ! Amen.
Saint-Dié – David Mitrani – 9 avril 2023