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Évangile selon Jean 1 / 24-34
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texte :
Ceux qui avaient été envoyés (vers Jean) étaient des Pharisiens. Ils l’interrogèrent et lui dirent : « Pourquoi donc baptises-tu, si tu n’es pas le Christ, ni Élie, ni le Prophète ? » Jean leur répondit en disant : « Moi, je baptise dans l’eau ; au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas, venant après moi, et moi, je ne suis pas digne de lui délier la lanière de la sandale. » Cela advint à Béthanie, au-delà du Jourdain, où Jean était, baptisant.
Le lendemain, il regarde Jésus venir à lui et dit : « Voici l’Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. C’est celui dont j’ai dit : “Après moi vient un homme qui est passé devant moi, car avant moi il était ; et moi, je ne le connaissais pas, mais, afin qu’il soit manifesté à Israël, c’est pour cela que je suis venu, moi, baptiser dans l’eau”. » Et Jean témoigna, disant : « J’ai contemplé l’Esprit descendant du ciel comme une colombe et il demeura sur lui ; et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau, celui-là m’a dit : “Celui sur qui tu verras l’Esprit descendant et demeurant sur lui, c’est celui-ci qui baptise dans l’Esprit Saint”. Et moi, j’ai vu et j’ai témoigné que celui-ci est le Fils de Dieu. »
premières lectures : Ésaïe 42 / 1-9 ; Évangile selon Matthieu 3 / 13-17
chants : 31-09 et 46-03
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prédication :
La personne du Baptiste pose problème. Elle a toujours posé problème, à tout le monde. Au début de l’extrait que je viens de vous lire, c’est à des Pharisiens qu’elle pose problème. Qui donc est Jean, que représente-t-il, par quelle autorité baptise-t-il ? Mais eux, ils sont prisonniers des figures religieuses, voire mythologiques, qui représentent leurs propres attentes. Ils passent en revue leur catalogue : le Messie, Élie, le Prophète annoncé par Moïse… Les évangélistes du Nouveau Testament font un peu pareil, d’ailleurs, chacun le définit à sa propre manière. Aujourd’hui, je me garderai de faire la même chose ! Nous nous arrêterons plutôt à ce que dit Jean selon le quatrième évangile, dans son rôle de Précurseur du Christ.
Ce que dit Jean dans ce texte n’est pas seulement une annonce. C’est une parfaite théologie trinitaire qui est le fond de son témoignage. Et dans ce rôle de témoin, il nous ressemble, il nous précède, et nous pouvons prendre modèle sur lui. Car nous aussi avons été institués non seulement disciples, mais témoins. Ainsi l’Évangile, nous ne l’avons pas reçu pour notre seul profit, mais pour en faire profiter les autres. C’est le rôle de toute Église chrétienne, notre paroisse y compris, et c’est le rôle de chacun d’entre nous à sa propre place, auprès des gens qu’il lui est donné de fréquenter. Personne n’est Jean le Baptiste. Peu de chrétiens sont des missionnaires au sens strict, ni des « martyrs » – ce mot grec est utilisé deux fois comme verbe dans notre petit texte… Encore qu’en de trop nombreux pays musulmans, hindous, bouddhistes ou athées, voire juifs, être chrétien et être martyrisé soient encore synonymes aujourd’hui.
Mais de quoi témoignerons-nous, de quoi témoignait Jean ? Du Dieu trinitaire, je vous l’ai dit. Du Père tout d’abord, bien sûr, même s’il ne l’évoque qu’en dernier, car en lui les Pharisiens comme les disciples du Baptiste croyaient aussi ! Il est « celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau », dit Jean. Jean se qualifie ainsi lui-même comme serviteur de Dieu, bien sûr. Mais surtout il place en Dieu l’origine de son témoignage. Le témoin n’est rien s’il n’est pas envoyé. Paul lui aussi l’écrira aux Romains : « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Comment donc invoqueront-ils celui en qui ils n’ont pas cru ? Et comment croiront-ils en celui dont ils n’ont pas entendu parler ? Et comment entendront-ils parler de lui, sans prédicateurs ? Et comment y aura-t-il des prédicateurs, s’ils ne sont pas envoyés ? selon qu’il est écrit : “Qu’ils sont beaux, Les pieds de ceux qui évangélisent de bonnes choses” » (Rom. 10 / 13-15)
Notre propre questionnement sur ce à quoi nous servons en tant que chrétiens, et sur notre mission, devrait se positionner de la même manière, ainsi que toute la réflexion actuelle de l’Église protestante unie sur « Mission de l’Église et ministères ». Non pas : « que devons-nous faire ? » mais plutôt « qu’est-ce que Dieu nous demande de dire, de faire, aujourd’hui, comme témoignage ? » Et non seulement « nous », mais aussi chacun de nous de manière particulière. Ce qui est en cause, c’est notre relation avec Dieu, avec notre Père. Sommes-nous comme les Pharisiens, à revendiquer de n’avoir comme seule relation avec Dieu que de pratiquer ses commandements ? Ce dont parle Jean, c’est d’une relation personnelle et vivante avec un Dieu interventionniste – ce que rejettera le judaïsme des rabbins. Dieu en personne nous accueille, nous mandate, nous envoie, chacun de nous, et nous ensemble comme Église. Il faut donc se tourner vers lui pour être accueilli par lui, mandaté par lui, envoyé par lui.
Jean parle aussi du Saint-Esprit, qu’il a « contemplé descendant […] sur Jésus ». Comment l’a-t-il reconnu ? Sa précision « comme une colombe » ne nous dit pas grand-chose, sauf à faire jouer ensemble les textes des Écritures parlant de colombe : Noé lâchant cet oiseau pour savoir si la décrue du Déluge était amorcée (Gen. 8 / 8-12), et Jonas dont le nom justement signifie « colombe » ; car ces deux histoires ont un rapport avec l’eau, tout comme l’Esprit de Dieu au tout début de la Bible, qui « planait à la surface des eaux » (Gen. 1 / 2). L’eau, symbole d’indifférencié, de mort, de noyade : c’est bien de ça qu’il s’agit lors d’un baptême, d’une immersion dans l’eau afin de mourir à quelque chose. Et mettre ensemble ces textes permet de reconnaître « l’Esprit de Dieu comme une colombe » là où il est aussi question d’immersion (le texte ne dit pas qu’il y a eu un oiseau qui venait sur Jésus à ce moment-là…).
L’Esprit saint n’est donc pas une colombe, ni la colombe un sacrement du Saint-Esprit. L’Esprit de Dieu, que Jean a reconnu selon ce que Dieu lui avait annoncé, a d’abord cette fonction : il signe l’accomplissement de la parole de Dieu ; à la fois il désigne cet accomplissement et il le réalise. « Discerner les signes » (Matth. 16 / 3), ce n’est pas faire appel à l’intelligence des chrétiens, mais au Saint-Esprit. Le chrétien, comme témoin, est d’abord à l’écoute du Saint-Esprit, attentif à ce que le Saint-Esprit lui montre. Et ce sont les Écritures bibliques qui permettent de le reconnaître, comme nous venons de le voir : c’est lui qui en a inspiré les auteurs et qui en inspire les lecteurs ! Il est le moyen pour Dieu de s’adresser à nous, mais non pas un moyen extérieur : le Saint-Esprit est Dieu ! La Bible, l’Église, la cène, votre serviteur, ne sont que des moyens extérieurs donnés par Dieu, mais pas le Saint-Esprit.
Le Saint-Esprit est celui qui désigne Jésus aux yeux de Jean, et qui désigne Jésus comme « celui qui baptise dans le Saint-Esprit ». Jésus et le Saint-Esprit et nous autres avons donc partie liée : c’est Jésus qui nous immerge dans le Saint-Esprit, nous permettant ainsi de le reconnaître, lui Jésus, et de témoigner de lui. Dans la tradition luthéro-réformée et baptiste, le baptême dans l’Esprit saint est lié au baptême dans l’eau (même si, dans ces deux traditions, celui-ci n’est pas administré au même âge), tandis que dans la théologie pentecôtiste les deux baptêmes sont distincts. Mais pour toute l’Église, l’important n’est pas le signe, mais ce qu’il désigne. L’important n’est pas l’eau qui dit ou qui professe la foi, mais le Saint-Esprit qui donne la foi. Ce n’est donc ni le pasteur ni l’Église ni le baptisé ni sa famille qui baptise, c’est Jésus, et il donne le Saint-Esprit de la part du Père. Ainsi dit-il : « tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera » (Jean 15 / 16), et « le Père céleste donnera l’Esprit Saint à ceux qui le lui demandent » (Luc 11 / 13).
Mais comment Jésus est-il désigné par le Saint-Esprit ? Pas comme Jésus de Nazareth, ce qui est connaissable par tous sans l’aide de l’Esprit. Ainsi Jean disait-il « après moi vient un homme », etc. Et ceux qui ont crucifié Jésus ont aussi inscrit son nom sur la croix avec le motif de sa condamnation : « Jésus le Nazôréen, le roi des Juifs » (Jean 19 / 19). L’humanité de Jésus ne fait pas débat dans le Nouveau Testament, même si ensuite des théologiens ont voulu la contester. Non. Mais Jésus est aussi autre chose. Il est, au dire de Jean, « l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde ». Il est l’agneau du sacrifice dont l’holocauste d’Abraham est une figure (Gen. 22 / 7-8), il est l’agneau de la Pâque dont le sang sur les portes éloigne la mort pour les premiers-nés des Hébreux (Ex. 12 / 2-7. 13), il est l’agneau offert pour purifier le pécheur de son péché et de sa souillure (Lév. 14 ; Nom. 6), etc. Mais en Jésus, l’homme Jésus, c’est Dieu qui offre le sacrifice, c’est Dieu qui rachète les humains du péché qui leur est co-naturel et qui les séparait de lui.
Mais Jésus est encore plus que cela. Et, dit Jean, « moi, j’ai vu et j’ai témoigné que celui-ci est le Fils de Dieu. » Non pas seulement un homme inspiré, non pas seulement un homme sans péché voué au sacrifice à notre bénéfice, mais Dieu lui-même en son Fils. Ainsi, en Jésus-Dieu, c’est Dieu lui-même qui s’offre en sacrifice pour notre rédemption, pour nous « racheter de la vaine manière de vivre, héritée de nos pères, par le sang précieux de Christ, comme d’un agneau sans défaut et sans tache », comme l’écrira Pierre (1 Pi. 1 / 18-19). Voilà le témoignage constitutif de la foi chrétienne. Non pas que Jésus est un seigneur parmi d’autres, une puissance avec laquelle il faut peut-être compter, un super-humain voire un personnage divin ou angélique. Mais Jésus homme est Dieu, et il a donné sa vie pour prix de la nôtre. C’est ce qu’on appelle la grâce. Comme l’écrira Paul dans ce verset que vous connaissez bien : « c’est par grâce que vous êtes sauvés, par le moyen de la foi, et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu » (Éph. 2 / 8).
C’est donc de cette grâce que nous témoignons, parce que nous la voyons à l’œuvre dans nos vies, dans la définition de nous-mêmes. C’est d’elle que nous témoignons en renvoyant au Dieu trinitaire : Père, Fils et Saint-Esprit. Parce que c’est par lui que nous sommes ce que nous sommes : ses enfants. Ainsi, dès le début du quatrième évangile, et dans la suite de son prologue, Jean nous confirme que Jésus est bien le Fils de Dieu fait homme, il nous le confirme par le Saint-Esprit, dans une vision du Dieu trinitaire. Beaucoup de gens disent que la Trinité ne se trouve pas dans le texte biblique. Bien sûr le symbole de Nicée-Constantinople ne s’y trouve pas, il date du IVe siècle ! Mais nous avons dans le texte de ce jour tout ce qu’il faut pour comprendre que Dieu est Père, Fils et Saint-Esprit ; pour le voir agir en tant que tel dans nos vies ; et pour en témoigner chacun avec nos mots à nous, en fonction de notre propre expérience, de notre propre relation avec Dieu, de notre propre foi.
La doctrine professée par l’Église dans ses credo n’est qu’un garde-fou, c’est juste quelque chose « comme une colombe », mais l’important n’est pas la doctrine, qui empêche juste, parfois, de dire des bêtises. L’important, c’est le Saint-Esprit. C’est en lui que nous avons été baptisés. C’est lui qui nous fait connaître et recevoir Jésus-Christ à travers la prédication des Écritures et à travers le baptême et la cène. « De même aussi l’Esprit vient au secours de notre faiblesse, car nous ne savons pas ce qu’il convient de demander dans nos prières. Mais l’Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables ; et celui qui sonde les cœurs connaît quelle est l’intention de l’Esprit : c’est selon Dieu qu’il intercède en faveur des saints. » (Rom. 8 / 26-27). L’Esprit de Dieu enfin est celui qui inspire et porte notre témoignage, et lui fait porter fruit pour ceux qui nous voient et nous entendent. Ne suffirait-il pas de le laisser se servir de nous ? Amen.
Senones – David Mitrani – 8 janvier 2023