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Michée 4 / 1-7
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texte :
Il arrivera, à la fin des temps,
Que la montagne de la maison de l’Éternel
Sera fondée sur le sommet des montagnes,
Qu’elle s’élèvera par-dessus les collines,
Et que les peuples y afflueront.
Des nations s’y rendront nombreuses et diront :
« Venez, et montons à la montagne de l’Éternel,
À la Maison du Dieu de Jacob,
Afin qu’il nous instruise de ses voies,
Et que nous marchions dans ses sentiers. »
Car de Sion sortira la Loi
Et de Jérusalem la parole de l’Éternel.
Il sera juge entre des peuples nombreux,
Il sera l’arbitre de nations puissantes, lointaines.
De leurs épées ils forgeront des socs
Et de leurs lances des serpes ;
Une nation ne lèvera plus l’épée contre une nation,
Et l’on n’apprendra plus la guerre.
Ils habiteront chacun sous sa vigne et sous son figuier,
Et il n’y aura personne pour les troubler ;
Car la bouche de l’Éternel des armées a parlé.
Tandis que tous les peuples marchent,
Chacun au nom de son dieu,
Nous marchons, nous,
Au nom de l’Éternel, notre Dieu,
À toujours et à perpétuité.
En ce jour-là – oracle de l’Éternel –
Je recueillerai celle qui boite,
Je rassemblerai celle qui était chassée,
Que j’avais maltraitée.
De celle qui boite je ferai un reste
De celle qui était mise à l’écart une nation puissante ;
Et l’Éternel régnera sur eux, à la montagne de Sion,
Dès lors et pour toujours.
premières lectures : Évangile selon Luc 17 / 20-30 ; Épître aux Romains 8 / 18-25
chants : 55-12 et 31-24
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prédication :
Chers amis, ceux d’entre vous qui participent aux partages bibliques du lundi après-midi ont abondamment discuté autour du texte de l’évangéliste Luc, à notre dernière rencontre. J’ai donc préféré ne pas reprendre ce texte ce matin, qui était celui proposé dans la liste que nous suivons ordinairement. Mais placer le prophète Michée en dernier dans l’ordre de lecture, sous le prétexte que je vais prêcher ce texte-ci, était-il judicieux ? L’ordre logique aurait été : d’abord la prophétie comme quoi « ça » vient, puis l’évangile qui dit que « pas encore », et enfin l’apôtre qui dit de l’espérer… Mais la logique, même « chrono-logique », même dialectique, n’est pas forcément conforme à ce qu’on entend en lisant la Bible ! Car ce dont parlent ces trois textes, c’est de quelque chose qui arrivera « à la fin ». Le Déluge fut la fin d’un monde. La fuite de Loth marqua la fin de Sodome et de Gomorrhe. L’apôtre Paul utilise l’image de la gestation, dont l’accouchement est certes la fin. Et Michée commence ce passage en nous disant ce qui « arrivera à la fin des temps ».
Mais… la fin, c’est quand ? Jésus, selon Luc, nous met en garde contre toute forme de millénarisme et contre ceux qui s’en font les porte-voix. À de nombreuses périodes de l’histoire chrétienne, et dès le début, certains personnages ou certains courants de piété ont cru que la fin arrivait. Ils ont eu tort, bien sûr. Mais on ne l’a su qu’a posteriori ! Je n’en ferai pas la liste, mais notre propre époque n’est pas non plus indemne de cette erreur. Les guerres, les crises, la perte de sens, le remplacement de la recherche du bien commun par la satisfaction des désirs individuels, la violence galopante et le terrorisme ordinaire, etc., toutes ces choses sont, paraît-il, des signes avant-coureurs de la fin. Mais quand on l’évoquait devant Jésus, ne répondait-il pas que « ce ne sera pas encore la fin » (Marc 13 / 7) ? Le judaïsme lui aussi a cru à plusieurs reprises que venait la fin : l’Exil à Babylone qui avait vu disparaître les dons de Dieu que furent la terre d’Israël, le roi fils de David et le Temple ; la nouvelle destruction du Temple par les Romains et la dé-judaïsation de la Palestine ; le hassidisme qui attendait son messie pour les jours de sa génération ; la Shoah il n’y a pas si longtemps, et le fait que nous célébrons notre culte dans cette ancienne synagogue en dit encore le souvenir…
L’espérance de « la fin des temps » ne signifie pas que nous sommes dans les temps de la fin ! Pourtant cette espérance est belle. Mais elle n’est belle que si elle est vraie, que si cette annonce est véridique. Sinon, c’est de l’illusion, une illusion dont tous les pouvoirs et les contre-pouvoirs voudront profiter. Vous savez bien qu’au nom de la paix on peut massacrer des villes et des peuples entiers – et je crains d’évoquer ce qui risque d’arriver à Kherson, qu’on vide de ses habitants tout en parlant de nucléaire tactique… Tous les assassinats de masse et autres génocides prétendent avoir pour but la paix, en détruisant ceux qu’on désigne comme ennemis de la paix ! La parole prophétique de Michée est-elle véridique ? Ce qui la rend véridique ou erronée, c’est ce qu’on en fait !
Car nos pères n’ont pas eu que tort, ils ont aussi eu raison ! Je veux dire : nous sommes aussi dans le temps de la fin ! Rassurez-vous : je ne vais pas à mon tour nous bercer vous et moi d’illusions, et encore moins vous emmener dans une quelconque croisade ! Nos yeux voient ce qu’ils voient, et ce n’est pas tous les jours joli, loin de là – que ce soit aux infos, dans le journal, dans la rue ou dans nos miroirs… Mais la croix de Jésus est bel et bien la fin de l’histoire. Pour le dire de manière piétiste, soit je me tiens au pied de la croix, c’est-à-dire dans la grâce de Dieu en Jésus qui est mort pour moi, et alors il n’y a pas d’après : ma vie est là pour toujours, quand bien même ma mort biologique prétendrait le contraire. Soit je m’éloigne de Jésus – ce que nous faisons tous, tous les jours, et alors il ne me reste plus qu’à m’en approcher de nouveau, c’est comme si je n’y étais pas encore, c’est comme si j’étais encore mort, même si mon médecin prétend le contraire…
Le temps de la fin, « la fin des temps », c’est donc Jésus lui-même tel qu’en sa mort il est ressuscité et il donne la vie à celui qui croit. Et qu’en dit Michée ? Beaucoup de choses, mais qu’il faut prendre dans l’ordre de la prophétie. D’abord, nous assistons à la « montée » des peuples à la « maison de l’Éternel », des peuples, des gens, qui s’entraînent les uns les autres dans cette montée. C’est dire qu’en Jésus, « il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni mâle ni femelle, car vous tous, vous êtes un en Jésus-Christ. » (Gal. 3 / 28) « Car […] l’Évangile est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec. » (Rom. 1 / 16b) Cette universalité de l’offre de salut entraîne une universelle fraternité des enfants de Dieu, de ceux qui saisissent ce salut par la foi. Nos distinctions « mondaines », ordinaires, nécessaires, n’ont plus aucune valeur, aucune pertinence, lorsqu’on vit en Christ, lorsqu’on vit la fin de l’histoire. Ainsi, là où est vécue cette fraternité des « chercheurs de Dieu » – ou plutôt de ceux qui ont été trouvés par lui – c’est la fin, il n’y a plus d’enjeu, plus rien d’autre à gagner, puisque « j’ai tout reçu et je suis dans l’abondance », comme l’écrivait Paul (Phil. 4 / 18).
Ainsi la première marque de la fin des temps, ce ne sont pas les crises et catastrophes quelles que soient leurs causes, mais c’est cette fraternité de ceux qui « montent à Jérusalem », qui viennent rendre hommage au Roi des rois au pied de sa croix. L’erreur fréquente du piétisme est de considérer cette montée comme individuelle, alors que Michée nous la montre comme communautaire. Comment pourrions-nous nous y entraîner mutuellement en restant chacun chez soi ? Comment pourrions-nous dire à d’autres de s’approcher avec nous du Christ en restant entre les murs de nos temples ou de nos salles de réunion ou d’agape ? Ou comment pourrions-nous les entraîner en allant vers eux sans leur dire au nom de qui nous le faisons ni vers qui nous allons ? Or, s’approcher du Christ, c’est nous placer sous l’autorité de la Parole de Dieu, « car de Sion sortira la Loi, et de Jérusalem la parole de l’Éternel. » Et n’oublions pas le verset qui trône au-dessus de la porte d’entrée de ce temple, même s’il est écrit en hébreu : « Ma maison sera appelée maison de prière pour tous les peuples ! » (És. 56 / 7) « Pour tous les peuples… »
Le lieu de la fin des temps, le Christ, est le lieu d’un dialogue entre Dieu et l’être humain. Ce n’est pas un lieu naturel, c’est un cadeau de Dieu. Ailleurs, l’obéissance avilit. Ici, l’obéissance relève. Ailleurs, la parole est à celui qui fait taire les autres. Ici, la parole suscite la parole des autres. Ailleurs, Dieu est au ciel et nous autres restons en bas. Ici, Dieu est cloué sur une croix et nous montons vers lui. La fin de temps, c’est le renversement de l’ordre du monde, ce que l’Apocalypse de Jean montrera avec des images que nous ne comprenons pas toujours et qui nous font parfois peur, mais qui sont des paroles d’amour. Et ce sont ces paroles d’amour, c’est la Loi de Dieu, qui est la foi en Jésus, qui jugera le monde, et qui déjà le juge, comme il le disait à Nicodème : « Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle. Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui. Celui qui croit en lui n’est pas jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. » (Jean 3 / 16-18)
Et comme le fameux jugement de Salomon (1 Rois 3 / 16-28), le jugement opéré par la croix du Christ est un jugement qui donne la vie, qui donne la paix. Ce n’est pas un jugement qui détruit, mais qui construit : « De leurs épées ils forgeront des socs Et de leurs lances des serpes ; Une nation ne lèvera plus l’épée contre une nation, Et l’on n’apprendra plus la guerre. Ils habiteront chacun sous sa vigne et sous son figuier, Et il n’y aura personne pour les troubler ; Car la bouche de l’Éternel des armées a parlé. » C’est une autre manière, bien belle à mes oreilles et à mon cœur, de décliner ce que je vous disais de la fraternité de ceux qui s’entraînent à « monter ». Là où l’autre, l’ennemi potentiel, celui qui risque de venir respirer mon oxygène à moi, se met tout comme moi à respirer l’Esprit du Dieu vivant, alors pourquoi en avoir peur et chercher à m’en préserver ? Le jugement de Jésus-Christ permet d’œuvrer ensemble, car en cette fin de l’histoire il reste des choses à faire, il reste un Temple spirituel à édifier sans cesse avec les nouvelles pierres vivantes qui nous sont données comme frères et sœurs.
La prophétie se poursuit, après la montée, puis la réception active de la parole divine, par la constatation, et même la revendication, de notre spécificité, si tant est que nous y soyons fidèles : c’est que notre Dieu, c’est celui-ci, c’est lui qui donne et permet tout ceci, c’est lui qui nous fait avancer. D’autres peuples ont les leurs, qui ne leur donnent rien de tout ceci ; nous, nous avons le Seigneur vivant, qui a traversé pour nous la mort, non pas comme Osiris ou je ne sais qui, mais comme un homme véritable, véritablement mort, et véritablement vainqueur à jamais de la mort, non pas pour régner sur elle, mais pour la détruire (Apoc. 1 / 18 ; 1 Cor. 15 / 26). Et voici : « c’est fait » (Apoc. 21 / 6), fin de l’histoire ! Fin aussi du temps de l’épreuve, fin de l’exil de la délaissée, retour d’Israël au bercail où il trouvera les « nations nombreuses » qui loueront avec lui le Dieu unique en se tenant sous l’autorité du Christ au bénéfice de la Parole divine.
Fin de l’histoire : l’Éternel règne ! La prophétie nous renvoie alors à notre propre vie, puisque vous avez bien compris tout au long que c’est de ça qu’il s’agit, et non de mythologie ou d’illusion millénariste. La prophétie nous montre en miroir ce que Dieu voit et fait en nous, de nous. Nous, nous voyons autre chose, nous regardons avec complaisance et désespoir ce que le diable nous montre, nous lui donnons consistance en l’écoutant. Mais le diable n’est rien, illusion lui-même. Nous pensons que, pour nous-mêmes et pour l’Église, « nous ne sommes pas au bout du chemin », et lorsque nous pensons à la fin, c’est à la mort que nous pensons. Nous avons tout faux… La fin des temps, le temps de la fin, c’est le temps de la vie et non de la mort. Sommes-nous des vivants en pérennité, ou bien des morts en sursis ? Nous sommes des vivants par l’effet de la Parole de Dieu et de la croix du Christ. Plaçons là notre vie, plaçons en lui, ensemble, nos vies aux uns et aux autres, dans l’amour fraternel et l’intercession, l’entraide et la louange. Et appelons-y avec nous tous les gens qui le voudront bien, quels qu’ils soient. Là sera l’Église, la vraie, l’Épouse du Christ, celle en qui nous avons, déjà, la vie éternelle, nous qui avons « cru au nom du Fils unique de Dieu ». Amen.
Senones – David Mitrani – 6 novembre 2022