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Ésaïe 49 / 1-6
Partage
texte :
Îles, écoutez-moi !
Peuples lointains, soyez attentifs !
L’Éternel m’a appelé dès le sein (maternel),
Il a fait mention de mon nom dès les entrailles de ma mère.
Il a rendu ma bouche semblable à une épée tranchante,
Il m’a couvert de l’ombre de sa main ;
Il a fait de moi une flèche aiguë,
Il m’a dissimulé dans son carquois.
Et il m’a dit : « Tu es mon serviteur,
Israël en qui j’aurai ma parure. »
Mais moi j’ai dit : « C’est en vain que je me suis fatigué,
C’est pour le vide, la vanité que j’ai consumé ma force ;
Certes mon droit est auprès de l’Éternel
Et ma récompense auprès de mon Dieu. »
Maintenant l’Éternel parle,
Lui qui m’a formé dès le sein (maternel)
Pour être son serviteur,
Pour ramener à lui Jacob,
Pour qu’Israël soit assemblé auprès de lui ;
Je suis glorifié aux yeux de l’Éternel,
Car mon Dieu a été ma force.
Il dit : « C’est peu que tu sois mon serviteur
Pour relever les tribus de Jacob
Et pour ramener les restes d’Israël :
Je t’établis pour être la lumière des nations,
Pour que mon salut soit (manifesté)
Jusqu’aux extrémités de la terre. »
premières lectures : Évangile selon Matthieu 15 / 21-28 ; Épître aux Romains 10 / 9-17
chants : 47-12 et 36-13
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prédication :
« C’est en vain que je me suis fatigué… » Est-ce le cri du prophète ? Est-ce le cri de l’Église protestante française ? Le vôtre, le nôtre ? Il serait malencontreux d’ouvrir une nouvelle année d’activité, de rencontre, d’étude, de prière, de témoignage, par un tel cri ! Encore que… Le psaume 127 ne dit-il pas : « En vain vous levez-vous matin, vous couchez-vous tard, Et mangez-vous le pain d’affliction ; Il en donne autant à son bien-aimé pendant qu’il dort. » ? (v. 2) Le cri de défaite devient alors un acte de repentance. Oui, c’est en vain que nous nous fatiguons à longueur de temps, si nous comptons sur notre propre force qui, de cette manière, finira par être entièrement « consumée », comme dit le prophète, qui parle peut-être pour ceux de son peuple qui sont pratiquants, engagés, plus que pour lui-même. Je ne voudrais certes pas décourager ceux qui font quelque chose, ni justifier ceux qui ne font rien ! Vous entendez bien qu’il est question de changer son regard, de le détourner de nous-même, de notre engagement, de notre fatigue, de ce que nous faisons pour Dieu. Parce que, en accord avec notre texte, je vous rappelle que c’est Dieu qui fait, et qui veut bien se servir de nous… quand il veut… Alors, y compris pour nous-mêmes, pour notre Église et notre témoignage, regardons à lui !
Ce qu’Ésaïe révèle aux « peuples lointains », c’est-à-dire aux Grecs, habitants des « îles », et au monde entier concerne tout à la fois « Israël », c’est-à-dire ceux qui sont disciples du prophète qui entend reconstruire son peuple, et le prophète lui-même… à moins que son regard ne tende vers quelqu’un d’autre que lui ? Mais n’anticipons pas. Déjà remarquons que Dieu a un projet, et que dans ce projet il ne tient pas compte de nos mérites ni de nos défauts, puisque c’est « dès le ventre » qu’il appelle celui qui va réaliser ce projet. L’important est donc le projet de Dieu, pas les nôtres. Mais ça, nous le savions. Il faut juste en tenir compte dans notre vie personnelle de croyants et dans notre vie d’Église, et nous demander quel est le projet particulier de Dieu pour vous, pour moi, quel est le projet particulier de Dieu pour notre paroisse telle qu’elle est aujourd’hui. Pour ça comme pour tout le reste, nous avons tendance à fonctionner sans Dieu, et ensuite nous lui demandons de faire réussir ce que nous avons décidé. Dans cet ordre-ci, ça ne peut pas marcher, Dieu n’est pas à notre service !
Tel qu’il se présente dans notre texte, c’est lui qui décide, c’est lui qui choisit qui il veut, c’est lui qui conforme la personne de son choix au travail qu’il a prévu pour elle. Chacun de nous pour sa part, et notre Église en tant que telle, nous sommes des outils dans les mains du Seigneur, des outils différents adaptés chacun par lui à un usage particulier ; de même notre paroisse, qui est « Israël » quand elle marche par la foi, quand elle avance dans la confiance en celui qui l’a appelée et qui la guide sur le chemin choisi pour elle. « Il m’a dit : tu es mon serviteur ! » Ne pensez pas qu’il s’agit du pasteur ! Il s’agit du pasteur pour sa part, il s’agit de chacun de vous pour la sienne, quel que soit votre âge, quelle que soit votre force. Il s’agit de notre petite communauté. Si nous ne faisons pas l’affaire, si nous ne marchons pas selon le plan de Dieu, lui se débrouillera autrement, et nous, nous disparaîtrons. Nombreux ceux qui ont été dans ce cas : on n’en parle donc pas dans la Bible, sauf de quelques-uns particulièrement exemplaires, si l’on peut dire… Les royaumes d’Israël et de Juda ont été dans ce cas : ils ont disparu… Le Temple de Jérusalem a été dans ce cas : il n’en reste qu’un vague pan du mur de soubassement…
Nous n’en sommes pas là ! Quand bien même nous nous disons nous être « fatigués en vain », Dieu ne nous en a pas moins déclaré : « tu es mon serviteur », et je sais que « mon droit est auprès de l’Éternel ! » Ma vie n’est justifiée que par lui, pas par moi ni par vous ni par mes œuvres. Ainsi en va-t-il de nous tous. Alors soyons attentifs à la parole de Dieu pour nous, puisque « maintenant l’Éternel a parlé », comme dit Ésaïe. C’est un « maintenant » qui dure, puisqu’il a commencé avant que je sois né, puisqu’il a commencé avant que notre paroisse existât. Mais c’est un « maintenant » pour… eh bien, maintenant, tiens ! Et quand je ne serai plus de ce monde, ou quand notre paroisse aura disparu, il ne sera plus temps, il n’y aura plus de « maintenant » pour moi, pour vous, pour elle. Le verbe est au parfait, bien sûr : « l’Éternel a parlé », sa parole me précède, toujours, elle me crée et me recrée. Il s’agit donc que je m’accorde à cette parole déjà entendue, que je la reçoive et la réalise dans ma vie, que je la rende actuelle, car Dieu veut la rendre actuelle en moi aujourd’hui.
Le prophète avait une mission particulière, qu’il énonce ainsi : le rassemblement et le rétablissement d’Israël. Ce projet a-t-il réussi ? En fait, je n’en sais rien, car je ne sais rien du rôle du prophète qui a signé du nom d’Ésaïe à l’époque du retour de l’Exil à Babylone. Mais pour ce texte comme pour tous les autres de l’Ancien Testament, je ne crois pas à une prophétie limitée à l’histoire d’Israël. Et il me semble, avec notre texte, que Dieu non plus n’y croit pas ! Il semble difficile de considérer qu’Israël a accompli cette prophétie lui-même en temps que peuple, car la prophétie parle d’un rassembleur, pas d’un rassemblement spontané, et surtout elle parle d’être « la lumière des nations ». Le vieux Siméon, dans le Temple de Jérusalem, confessera aux parents de Jésus que c’est lui, Jésus, qui accomplira cette prophétie (Luc 2 / 32) ! Et ne l’a-t-il pas accomplie ?
Et nous ? La parole court jusqu’à la fin des temps, jusqu’à ce que toutes les nations soient éclairées par lui, par Jésus, par sa mort et sa résurrection. Toutes les nations, tous les païens, c’est le même mot. Or, si les nations sont loin, encore qu’aujourd’hui elles se brassent, par contre il y a des païens partout, depuis nos foyers ou notre porte jusque fort loin. Pour tout ce qui est loin, nous avons un Service protestant de mission, qui travaille avec les Églises d’autres pays afin que chacun soit aidé chez lui par le secours, la prière et l’exemple des autres. Car le salut de Dieu a été porté et proclamé partout dans le monde, avec des succès inégaux. Mais pour tout ce qui est près, nous sommes Israël, nous sommes le Corps de Christ sur la terre, son Épouse, son Église. C’est à nous qu’est désormais adressée, ici-même, cette parole : « Je t’établis pour être la lumière des païens, pour que mon salut soit (manifesté)… » Cette parole accomplie par Christ une fois pour toutes prend corps dans le temps et l’espace, et nous sommes ce corps aujourd’hui en Déodatie, nous et quelques autres.
La prophétie d’Ésaïe retoque nos efforts, certes, mais elle nous rassure et nous envoie à nouveau. « Car Dieu a été ma force », dit le prophète, à moins que ce ne soit tout Israël, toute l’Église, qui puisse prononcer cela. Et si nous pouvons nous souvenir avec reconnaissance des miracles opérés en nous et par nous – mais pas forcément pour nous ! – alors nous pouvons aussi nous attendre à ce que cela se poursuive, car « Dieu est fidèle » (1 Cor. 1 / 9). Il faut donc que nous y soyons prêts. Et la première chose pour être prêts, j’y reviens, c’est de nous débarrasser de nos propres efforts, nous débarrasser de l’idée que nous allons y arriver tout seuls, ou bien que, parce que nous y sommes tout seuls, nous n’allons pas y arriver. Ces deux options sont suggérées par le diable ! La parole de Dieu nous assure que Dieu est derrière nous, devant nous, au-dessus de nous, en-dessous de nous, en nous, pour la réalisation de son projet et de son salut. Le psalmiste le chantait en son temps : « Tu m’entoures par derrière et par devant, Et tu mets ta main sur moi. » (Ps. 139 / 5)
Ainsi débarrassés de nous-mêmes, et tout autant débarrassés de l’angoisse de l’absence de Dieu, assurément nous pouvons faire quelque chose, le quelque chose que Dieu met sous nos yeux ou sous nos pas, sur le chemin de foi et de service où il nous appelle et nous attend. Dans les occasions qui nous sont données, à nous de discerner, avec l’aide du Saint-Esprit, quelles sont les zones d’ombre, voire de ténèbres, où se débattent ou meurent nos proches, nos voisins, nos relations, notre société. C’est là que, selon ce qui est donné à chacun, nous pouvons porter la lumière du Christ, lumière de pardon et d’amour pour ceux qui sont tombés, qui sont perdus, qui sont malades… Et le faire avec respect et non par supériorité vaine. Car nous-mêmes, où serions-nous si Dieu ne nous avait pas repêchés, appelés, relevés, envoyés ? Il en est de même de notre paroisse dans notre société. L’Église avait un slogan il y a quelques années : « protester pour Dieu, pour l’homme ». Soyons alors protestants : portons avec amour la condamnation des ténèbres et le pardon de Dieu pour ceux qui s’y sont perdus et que le Christ rejoint et sauve là où ils sont.
Encore faut-il ouvrir nos yeux et nos cœurs pour discerner quelles sont ces ténèbres, et qu’est-ce qui, dans notre société, dans nos mœurs, dans nos discours et nos pratiques – et dans les leurs ! – abîme des êtres humains. Les choix seront-ils politiques ? Je n’en dirai rien, d’autres le disent par trop et dans tous les sens. Dieu est attentif aux personnes, aux petits, et non aux systèmes, aux idéologies. Sa lumière n’est pas un nouveau système, mais elle redresse et fait vivre des gens, comme elle nous a nous-mêmes redressés et comme elle nous fait vivre. Laissons le Christ faire à travers nous, pour eux, ce qu’il a fait pour nous de la même manière ou d’autre manière. C’est l’Esprit du Seigneur qui guide l’Église, c’est lui qui est notre force et notre efficace. Il ne nous demande rien de plus que de nous laisser conduire par lui, en sachant qu’il nous conduira ainsi les uns vers les autres peut-être de manière inattendue…
Dans le récit de sa vocation, Ésaïe racontait : « J’entendis la voix du Seigneur, disant : “Qui enverrai-je Et qui marchera pour nous ?” Je répondis : “Me voici, envoie-moi.” » (És. 6 / 8) Aujourd’hui et dans votre vie quotidienne, comme pour votre paroisse, écoutez cette voix, attendez-la, espérez-la, entendez-la, et puis répondez et marchez sans vous soucier de votre force, parce que, lorsque vous accomplissez le projet de Dieu, votre force, c’est lui. Amen.
Saint-Dié – David Mitrani – 9 octobre 2022