Ézéchiel 33 / 10-20

 

texte :  Ézéchiel, 33 / 10-20   (Trad. Œcuménique de la Bible)

autre lecture :  Deuxième épître aux Corinthiens, 1 / 7-11

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prédication :

 

Où sont les méchants ? C’est bien la question que pose le Seigneur par l’intermédiaire d’un fils d’homme, Ézéchiel le prophète, à ceux qui ont été déportés à Babylone, et qui ont tout perdu : leur roi, leur temple, leur pays, tout ce que Dieu avait promis à leurs ancêtres à condition qu’ils lui soient fidèles. Il s’adresse à leur désespoir. Or celui-ci n’est pas seulement un fruit de la violence subie, ou de la punition d’une violence passée. Mais il est aussi le creuset de rancœurs et de nouvelles peurs, et donc de violences à venir. Il y a des cercles vicieux auxquels on n’échappe pas facilement !

 

C’est pourquoi Dieu intervient par sa parole. Le premier signal positif, c’est celui-ci : Dieu leur parle ! C’est donc que Dieu a puni, mais qu’il n’a pas abandonné. Et c’est lui qui dit : « revenez » ! C’est lui qui appelle son peuple à se tourner à nouveau vers lui, alors que les gens devaient s’attendre à ce que Dieu, parti loin, revienne vers eux, comme le priait un psaume (90 / 13). Le livre des Lamentations, quant à lui, se terminait par cette autre prière : « Fais-nous revenir vers toi… » (Lam. 5 / 21) Comme dans tout l’Ancien Testament, Dieu est un Dieu qui interpelle son peuple qu’il aime, afin que celui-ci lui revienne. C’est Dieu qui court après Israël, ce n’est pas l’inverse. La Bible ne porte pas une parole humaine, mais la parole de Dieu lui-même, et cette parole est une parole d’amour, une parole qui espère.

 

Incompréhension totale : ceux à qui s’adresse cette parole n’espèrent plus rien, sinon que leur désespoir leur soit compté comme justice, ce qui est un comble… Or la bonne nouvelle, c’est que rien n’est écrit d’avance, que tout se joue dans la relation actuelle avec Dieu. Pour lui, il n’y a pas de destin, mais un chemin, et Dieu est là à chaque étape du chemin. Il voit si, à chaque étape, il y a fidélité ou adultère, s’il y a justice ou méchanceté – pour reprendre les mots de notre texte. Et nous, nous le savons bien, que nous ne sommes pas blancs ou noirs, mais toujours dans des tons changeants de gris, plus ou moins clairs, plus ou moins sombres. La relation avec Dieu met de la couleur dans ces gris : encore faut-il que nous le laissions faire. Car il est difficile d’admettre que nous ne sommes « ni froids ni bouillants », comme Jésus le faisait écrire par Jean à l’Église de Laodicée (Apoc. 3 / 15).

 

Ainsi, celui qui est un méchant peut en sortir, que sa méchanceté soit due à son caractère ou à son histoire ou à son idéologie ou au mal qu’on lui a fait ou à ses peurs, etc. La parole de Dieu n’est pas là à attendre des justifications plus ou moins valables, elle est là pour rendre juste celui ou celle qui ne l’est pas. La logique humaine, c’est que lorsque le méchant entend « tu mourras certainement » – ce qui est justifié et légitime vu sa méchanceté – le plus souvent il s’enfonce dans sa méchanceté, pensant qu’il n’a plus rien à perdre… Les gens qui étudient le mécanisme de la torture le disent bien : les tortionnaires directs, les bourreaux, ont été déshumanisés, ils ne réagissent plus : comment pourraient-ils arrêter ? Or la parole de Dieu – mais peuvent-ils l’entendre ? – leur dit que, oui, ils peuvent arrêter ça, ils sont des personnes et non des robots, ils sont promis à la vie et non pas à la mort.

 

Allez-vous me dire, vous qui n’êtes pas de ces gens-là, que « la façon d’agir du Seigneur n’est pas correcte » ? Oui, le méchant mérite la mort, et le juste la vie. Mais « il n’y a pas de juste, pas même un seul », comme l’apôtre Paul l’écrivait (Rom. 3 / 10), reprenant plusieurs versets de l’Ancien Testament. Ainsi, que ce soit eux, que ce soit moi, tous méritent la mort. « Mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus Christ, notre Seigneur. » (Rom. 6 / 23) « La façon d’agir du Seigneur n’est pas correcte » ? Certes. Mais c’est pour moi le seul moyen d’avoir la vie ! Il me faut donc bien admettre que pour mes ennemis aussi, pour les plus méchants même, le cadeau est là, offert, la grâce de Dieu pour les pécheurs. Encore faut-il qu’ils entendent la parole, qu’ils la saisissent, qu’ils se retournent vers celui dont ils pensaient qu’il était leur juge, mais qui dans la foi se révèle aussi comme leur Père et leur Sauveur.

 

Et c’est là que nous intervenons. Si nous-mêmes avons bien entendu la parole qui nous condamne à cause de nos œuvres, et la parole qui nous justifie à cause de Jésus-Christ, alors nous pouvons tenter d’en témoigner auprès des autres. Croyez-vous à l’efficacité de la prière pour les persécutés et les victimes de l’injustice ? Saint Paul en témoigne quant à lui, et si vous n’y croyiez pas vous ne seriez pas là ce soir avec l’ACAT ! Alors croyez aussi à l’efficacité de la prière pour les méchants, pratiquez-la, et faites-le-leur savoir. Un bourreau pour qui l’on prie n’est plus un robot, mais une personne digne d’être aimée, comme vous, comme moi. Qui d’autre pourra être témoin de cet amour immérité et merveilleux de Dieu, sinon ceux qui ne le méritaient pas, mais qui désormais en vivent ? Qui d’autre pourrait témoigner que, même indigne, même méchant, on est aimé de Dieu et qu’ainsi on peut être transformé par lui ? Oui, prions pour les méchants, aimons-les de la part de Dieu, sans rien excuser, mais en témoignant que le Christ est mort aussi pour eux. Amen.

 

Saint-Dié, église N.D.-de-Galilée (Nuit des veilleurs de l’ACAT)  –  David Mitrani  –  26 juin 2017

 

 

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