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Proverbes 8 / 22-36
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texte :
L’Éternel me possédait au commencement de son activité,
Avant ses œuvres les plus anciennes.
J’ai été établie depuis l’éternité,
Dès le commencement, avant l’origine de la terre.
J’ai été enfantée quand il n’y avait point d’abîmes,
Point de sources chargées d’eaux ;
Avant que les montagnes soient établies,
Avant les collines j’ai été enfantée ;
Il n’avait encore fait ni la terre, ni les campagnes,
Ni le premier grain de la poussière du monde.
Lorsqu’il disposa les cieux, j’étais là ;
Lorsqu’il traça un cercle à la surface de l’abîme,
Lorsqu’il fixa les nuages en haut,
Et que les sources de l’abîme jaillirent avec force,
Lorsqu’il donna une limite à la mer,
Pour que les eaux n’en franchissent pas les bords,
Lorsqu’il traça les fondements de la terre,
J’étais à l’œuvre auprès de lui,
Et je faisais de jour en jour ses délices,
Jouant devant lui tout le temps,
Jouant sur la surface de sa terre,
Et trouvant mes délices parmi les êtres humains.
Et maintenant, mes fils, écoutez-moi ;
Heureux ceux qui observent mes voies !
Écoutez l’instruction, et devenez sages,
Ne la négligez pas.
Heureux l’homme qui m’écoute,
Qui veille de jour en jour à mon seuil,
Qui monte la garde près des montants de mes portes !
Car celui qui me trouve a trouvé la vie
Et obtient la faveur de l’Éternel.
Mais celui qui pèche contre moi nuit à son âme ;
Tous ceux qui me haïssent aiment la mort.
premières lectures : Actes des Apôtres 17 / 22-34 ; Évangile selon Jean 15 / 1-8
chants : 41-11 et 45-08
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prédication :
« Heureux l’être humain qui m’écoute ! » dit la Sagesse, reprenant presque les mêmes mots que le premier psaume biblique, puisque le bonheur des humains est le but-même de la révélation du Dieu de la Bible, que ce soit dans l’une ou l’autre partie de l’Ancien Testament, qui est la Loi, ou dans le Nouveau qui rend témoignage à Jésus-Christ. Mais en plus, dans ce passage des Proverbes de Salomon, la Sagesse est personnifiée. S’agit-il d’un artifice littéraire, ou bien de l’expression d’une réalité ? Quelle est cette Sagesse ? Est-ce le texte de la Bible ? Les kabbalistes juifs l’ont pensé, eux qui croyaient que le texte de la Torah, et jusqu’aux lettres-même de son écriture, préexistaient à la Création et étaient le moyen de cette Création, faite à la « lumière de la Torah ». Est-ce d’ailleurs si faux ? N’est-ce pas la Loi de Dieu, sa Parole, qui structure le monde comme étant Création et pas seulement nature et humanité ? N’est-ce pas la Parole du Dieu créateur qui fait de ma vie comme de la plus lointaine galaxie des expressions de la volonté bonne de Dieu, et non pas le fruit du hasard quantique et de la nécessité mathématique ?
Mais pour nous chrétiens, la Loi de Dieu, sa Parole, n’est pas un texte, mais un homme : Jésus-Christ, le Fils éternel de Dieu. Alors sans doute pouvons-nous enrichir notre compréhension de ce qu’il est vraiment, avec un texte comme celui de ce matin, où il est question de la Création, tout comme dans le passage des Actes des Apôtres racontant la prédication de Paul devant l’Aréopage d’Athènes. « Le Dieu qui a fait le monde et tout ce qui s’y trouve, lui qui est le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas dans des temples faits par des mains humaines », disait Paul. Il n’habite pas non plus dans des livres écrits par des mains humaines ! Et s’il est Seigneur du ciel et de la terre, alors il n’y habite pas non plus, et l’on ne peut l’y trouver, ni dans le ciel et les étoiles, ni sur notre planète quel que soit son devenir, ni dans l’esprit ou le cœur des humains, seraient-ils les meilleurs de leur race… Dieu est un étranger à ce monde, il lui est extérieur, puisqu’il en est, de dehors, le Créateur ; le monde créé et son Créateur sont fondamentalement autres, sans même parler du péché originel, qui est depuis toujours la rupture entre le Créateur et ses créatures…
Mais le texte des Proverbes change notre regard de direction, tout comme le fait le discours de Paul… qui le mène ainsi à un échec : à part Denys et Damaris et quelques autres, personne parmi ses auditeurs ne voudra changer de regard. Les dieux grecs font partie du monde, et la croyance selon laquelle il faut bien que cela ait commencé un jour, et qu’il y ait « quelque chose » au-dessus, n’y change rien. Les gens d’aujourd’hui sont toujours des Grecs, et s’ils ne se font plus de statues – quoique… – leurs dieux sont toujours des dieux du monde : l’argent, la morale, l’écologie, l’économie, le pouvoir, l’Homme avec une majuscule – ce dieu qui sert à tuer ou à laisser mourir les hommes concrets, avec une minuscule… À l’approche du 26 mai, vous pouvez, selon vos convictions politiques, y rajouter aussi bien la Nation que l’Europe, la démocratie, la race, la religion, etc. Mais le « Dieu inconnu » le reste, et nous-mêmes n’en sommes que rarement des témoins convaincants : le connaissons-nous vraiment ?
L’épître aux Hébreux commence quasiment par ces mots : « Dieu nous a parlé par le Fils en ces jours qui sont les derniers. Il l’a établi héritier de toutes choses, et c’est par lui qu’il a fait les mondes. » (Hébr. 1 / 2) Et les Proverbes nous parlent de la Sagesse, qui était là au début, « acquise au commencement », « enfantée » (ce verbe revient deux fois), associée à l’œuvre créatrice de l’Éternel. Mais ce personnage a une particularité, qu’on associe rarement à la Création : la Sagesse « trouve [ses] délices parmi les humains », dit-elle. Ainsi, depuis toujours, la Sagesse, le partenaire avec lequel l’Éternel a créé le monde, lui est non seulement associée, mais est également associée aux humains. Nous sommes appelés, quant à nous, à « trouver [nos] délices » en Dieu, mais si cette relation est inégalitaire, évidemment, elle n’est pas pour autant unilatérale : la Sagesse fait le lien, la Sagesse est ce qui rend la relation entre Dieu et nous joyeuse, heureuse, réjouissante, pour nous comme pour lui.
La Sagesse, la Parole de Dieu, le Fils éternel, voilà la personne qui nous lie à Dieu dans son projet créateur « au commencement » tout comme aujourd’hui, dans nos vies et dans notre monde. Comme pour nous dire que non seulement l’univers, mais chacun de nous, nous comptons pour Dieu, bien plus que nous ne comptons sur lui. Car si la relation avec lui est inégale, c’est certes parce qu’il est Dieu et nous seulement des humains, mais dans l’autre sens c’est aussi parce que nous, nous nous passons facilement de lui, tandis que lui, dans sa Sagesse, ne veut pas se passer de nous. « Dieu jaloux », disait-il dans les Dix commandements (Ex. 20 / 5). C’est dire la même chose… « Dieu est amour », écrira saint Jean (1 Jean 4 / 8), c’est aussi dire cela. La Sagesse « joue devant Dieu » et « parmi les humains ». C’est grâce à elle, par son intermédiaire, que nous autres, nous pouvons nous tenir devant Dieu avec elle : « Heureux l’homme qui m’écoute ; […] celui qui me trouve a trouvé la vie et obtient la faveur de l’Éternel. »
L’apôtre Paul avait bien vu : on ne peut pas parler de cette Création, ni donc de notre place devant Dieu, sans parler de Jésus-Christ mort et ressuscité… ce qui agace tous ceux qui ne sont pas chrétiens. Car alors, exit l’universalisme que tout le monde réclame mais qui n’est que désir totalitaire d’uniformité. Non, nous ne ressemblons pas, dans ce qui nous fait vivre, à ceux qui se battent pour des valeurs humanistes, ni à ceux qui ne se battent plus parce qu’ils n’y croient plus. Nous confessons que la Sagesse, le Fils éternel de Dieu, a pris corps en un être humain authentique : Jésus, le Christ, qui a été crucifié et dont la puissance de vie a vaincu la mort pour toujours, pour lui comme pour nous. Que sont donc les valeurs humaines devant une telle expérience ? Tout au plus de pâles imitations, quand elles n’en sont pas des contradictions… Les Aréopagites ne s’y sont pas trompés. Nos contemporains non plus, quand ils cherchent Dieu ailleurs que nous, là où ils ne le trouveront pas, dans la mystique ou dans la science, dans le soi-disant « développement personnel » ou dans la soi-disant « sauvegarde de la création ».
Ce n’est donc ni dans la religion, ni dans la philosophie, ni dans l’action serait-elle bonne, qu’on trouvera la Sagesse, qu’on approchera du Fils éternel de Dieu, mais c’est au pied de la croix de Jésus-Christ. En lui seul est la vie, auprès de lui seulement on peut trouver Dieu. Comme le disaient les prophètes : « Cherchez l’Éternel pendant qu’il se trouve ; invoquez-le tandis qu’il est proche » (És. 55 / 6) ; et ailleurs : « Vous me chercherez et vous me trouverez, car vous me chercherez de tout votre cœur. Je me laisserai trouver par vous » (Jér. 29 / 13-14a). Inutile de le chercher dans la méditation, encore que celle-ci puisse être un moyen, et sans doute un meilleur moyen que l’agitation ! Mais le seul moyen efficace pour accéder à Dieu, le seul chemin, c’est Jésus : « Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie : nul ne vient au Père que par moi », disait-il (Jean 14 / 6).
Ce que cela implique ? Évidemment, la nécessité de mieux connaître Jésus : par la Bible certes ; mais avec elle, et les uns avec les autres, par la prière ; et ensemble par l’écoute de la prédication et la participation à la sainte cène, dans lesquelles Jésus se livre aux participants dans la foi. Mais pour le dire sur un autre plan, cela implique que le moyen de la « sauvegarde de la création », c’est aussi cette connaissance de Jésus, cette relation de foi avec lui. Alors oui, la création en moi sera restaurée sans tenir compte de mon péché. Alors oui, la création sera restaurée entre moi et les autres. Alors oui, la création sera restaurée depuis ma maison et ma porte jusqu’à l’autre bout de l’univers. Prier pour la paix, la mienne, celle autour de moi, celle du monde et de la nature dont je fais partie, n’a aucun intérêt, aucune consistance, si ça ne passe pas par Jésus, si ça ne passe pas par le « jeu » des « délices » de la Sagesse devant Dieu et parmi les humains, c’est-à-dire l’incarnation, la mort et la résurrection de Jésus.
Cela ne veut pas dire que d’autres formes de ce combat n’ont pas de valeur. Et certes la forme physique et psychologique, l’entente familiale, la liberté d’entreprendre, l’engagement social, associatif, écologique, politique, ou tout ce que vous voulez, sont des moyens de mettre en œuvre la communion qu’on a avec Jésus-Christ, au service de soi, des autres et du monde. Mais ils ne peuvent ni remplacer ni précéder cette communion. La relation avec le Christ est première et prioritaire. Pour le dire autrement, on ne peut mettre en œuvre les enseignements de la Sagesse en ne les écoutant pas d’abord ! « Vends tout ce que tu as […] puis viens, et suis-moi », disait Jésus (Marc 10 / 21). C’est seulement lorsque nous abandonnons le reste et que nous nous mettons à sa suite, lorsque nous entrons dans une relation privilégiée avec lui, lorsque lui peut exercer à notre égard le salut qu’il est venu offrir à tous, que nous pouvons alors, ensuite, témoigner de cette relation par une vie personnelle plus équilibrée, par des relations apaisées, par le souci des autres et du monde, par le respect du milieu dans lequel il nous est donné de vivre, etc.
Alors, nous rejoignons la Sagesse dans son récit de la Création. Alors, nous participons nous aussi de cette Création, en « devenant sages », comme nous y exhorte la Sagesse personnifiée qui est Jésus-Christ. Parce qu’alors toute l’œuvre créatrice de Dieu, toute l’œuvre rédemptrice du Christ, je sais, je confesse et je chante qu’elle est pour moi. Devant Dieu le Père, je puis me reconnaître – alors seulement, en Christ seulement – comme son enfant, et lui dire : « Abba – Père » (Rom. 8 / 15). Et c’est comme des fils et des filles de Dieu que nous pouvons apprendre, par la Sagesse, par l’exemple de Jésus-Christ, à marcher librement dans ce monde sans avoir le souci de nous-mêmes, débarrassés du souci de devoir gagner quoi que ce soit, « libérés pour servir ». Le monde ne le sait pas, mais c’est ce qu’il attend. Comme l’écrivait l’Apôtre : « Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. » (Rom. 8 / 19)
Nous y avons donc une tâche urgente. « Car toute chair est comme l’herbe et toute sa gloire comme la fleur de l’herbe ; l’herbe sèche et la fleur tombe, mais la parole du Seigneur demeure éternellement. Cette parole est celle qui vous a été annoncée par l’Évangile. » (1 Pi. 1 / 24-25) Or, dit Jésus, « sans moi, vous ne pouvez rien faire. » Alors, dans nos vies et dans le monde, « viens, Seigneur Jésus ! » (Apoc. 22 / 20) Amen.
Saint-Dié – David Mitrani – 12 mai 2019