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Proverbes 3 / 13-20
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texte : (trad. : Bible en français courant)
Heureux l’homme qui trouve la sagesse et découvre la raison.
Les profits de l’argent, la richesse de l’or, n’offrent pas autant d’avantages.
La sagesse a plus de valeur que des perles précieuses. On ne peut rien désirer de meilleur.
Elle aide l’homme à vivre longtemps, elle lui procure prospérité et honneur.
Elle le dirige sur des chemins agréables où il avance en toute sécurité.
C’est un arbre de vie pour ceux qui la pratiquent, ceux qui s’y attachent sont heureux.
Par sa sagesse le Seigneur a fondé la terre, il a fixé le ciel par son intelligence.
Par sa science les eaux d’en bas ont jailli sur le sol et les nuages ont déversé la pluie.
autres lectures : Psaume 1 ; Évangile selon Jean, 1 / 1-18
chants : 44-03 et 43-14 (Alléluia)
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prédication :
« Heureux ! » C’est le premier mot et du psaume et des proverbes que Nathalie et Laurent ont choisis pour le culte de ce matin. J’imagine que ce n’est pas par hasard, quant à eux. Faut-il le faire résonner avec le premier mot du « prologue de Jean » : « au commencement » ? Ce serait sans doute une bonne idée. Commençons par le bonheur. Non pas pour se dire qu’ensuite ça ne peut qu’être pire. Non pas. Mais pour placer ce bonheur au commencement de toute chose, au principe de tout, à la base, au fondement de tout ce qui constitue notre vie et notre monde. Il nous faut alors regarder non pas seulement le premier mot, mais aussi les suivants, ce que je résume ainsi : « heureux l’homme », « au commencement Dieu », ou, en l’occurrence, sa parole. Le bonheur des êtres humains dépend ainsi d’un fondement qui consiste en la parole de Dieu.
Vous ne seriez pas dans une église chrétienne, d’autres vous diraient peut-être autre chose. Hier, voici par exemple ce que j’ai lu sur Facebook : « Un rendez-vous unique en Europe. Familiales et festives, poétiques et décalées, traditionnelles et contemporaines, les Fêtes de Saint Nicolas à Nancy font résonner les valeurs du partage, de la générosité et de la joie. Du 24 novembre 2017 au 7 janvier 2018, venez rire, vous émerveiller, vous amuser, échanger, rencontrer ! Vive notre saint patron ! » Je ne vous invite pas à y aller, vous faites bien ce que vous voulez ! C’est sans doute d’ailleurs super. C’est la Ville de Nancy qui publie ça. Le bonheur, pour l’auteur de ce tweet, est fondé dans le fait de « rire, vous émerveiller, vous amuser, échanger, rencontrer. » C’est en le faisant – là-bas, bien sûr – que vous y trouverez « les valeurs du partage, de la générosité et de la joie. » Bon, je suis un brin dubitatif… Ça se saurait, si ça marchait ainsi, si le partage se trouvait dans les fêtes populaires et commerciales. Un bon moment, oui. L’impression du partage avec des gens qu’on ne reverra jamais, ou bien qu’on recroisera de manière furtive, sans forcément se dire même bonjour. Ou alors des rencontres fortes, certes, mais comme dans La foule d’Édith Piaf : sitôt liées, sitôt brisées, un bref bonheur pour ensuite connaître un malheur durable, une blessure inguérissable…
Nos textes bibliques nous disent autre chose, nous parlent d’un bonheur durable. « Heureux l’homme », et non pas « heureux cet instant fugace… » Et c’est à la fois une constatation et un projet. André Chouraqui avait traduit « heureux » par « en marche ! » Ce bonheur est quelque chose qui est posé au départ et qui pourtant se construit tout au long du chemin. Et je vais vous dire comment ce paradoxe est possible. C’est que la base de ce bonheur est dans la dépossession de soi. Dire « la parole de Dieu », c’est déjà dire que Dieu lui-même se dépossède de ce qu’il est au profit de ceux à qui il parle, c’est-à-dire à notre profit à nous autres, en tout cas, qui l’écoutons. Et dire que cette parole, c’est Jésus lui-même, comme l’évangéliste le suggère dans son prologue, c’est encore renforcer cette image d’un Dieu qui se dépouille au profit de nous autres par amour pour les humains. Le sommet en est la croix sur laquelle il a donné sa vie pour que la mort n’ait plus de prise sur nous. Voici donc où se situe le « commencement » : sur la croix ; c’est la mort victorieuse de Jésus, c’est là que nous sommes nés comme enfants de Dieu, remplis de sa grâce. Voilà en quoi et pourquoi nous sommes heureux.
Mais justement, remplis de cette grâce, remplis de notre nouvelle identité d’enfants de Dieu, rien ne nous empêche plus de nous débarrasser du reste ! Car le reste nous encombre. « Les profits de l’argent, la richesse de l’or, n’offrent pas autant d’avantages. La sagesse a plus de valeur que des perles précieuses. On ne peut rien désirer de meilleur », nous disait Salomon. Mais les gens ne le savent pas, cette sagesse-ci leur est étrangère. En surface, comme dans le tweet nancéien, ils préfèrent la fête. Et le reste du temps, et parfois même là, ils préfèrent se mettre en avant, au premier rang, afin de s’enrichir de la considération des autres, si ce n’est tout simplement d’argent ou de pouvoir. Car notre nature profonde est égocentrique, et notre peur de manquer nous oblige à toujours vouloir nous remplir, et donc aussi nous servir des autres à notre bénéfice à nous. Nous n’envisageons l’enrichissement qu’offre le partage que comme ce que les autres nous apportent.
C’est une erreur funeste, dont les Proverbes de Salomon nous disent au long de leurs pages qu’elle nous mène à la mort. Ce n’est pas une sagesse, même si c’est celle des gens et des nations. C’est une folie, disent nos Proverbes. La mesure du partage, c’est ce que le Christ a vécu, et les évangiles nous le montrent aussi à travers leurs paraboles. Il a partagé sa vie. Il a été riche de ce qu’il a offert. De même, la sagesse fondée dans la parole de Dieu nous apprend que dans le partage et la rencontre, nous nous enrichissons non pas de ce que les autres nous apportent, mais de ce que nous leur donnons. Nous sommes riches de ce que nous ne gardons pas pour nous, nous sommes riches non pas du regard des autres sur nous, mais du regard bienveillant que nous portons sur eux. Qu’importe alors si nous ne recevons rien, puisqu’en donnant, nous avons tout ! Le « prix » d’une vraie rencontre est là, de toute façon : je ne rencontre l’autre que dans mon abaissement et dans son élévation, et non l’inverse. Là encore, c’est ce que Jésus a vécu jusqu’au bout (cf. Phil. 2 / 1-11).
Et c’est un véritable enrichissement, nous murmure la sagesse biblique : « Elle aide l’homme à vivre longtemps, elle lui procure prospérité et honneur. Elle le dirige sur des chemins agréables où il avance en toute sécurité. C’est un arbre de vie pour ceux qui la pratiquent, ceux qui s’y attachent sont heureux. » Le bonheur initial, l’enrichissement de notre être par le don que le Christ a fait de sa vie, se transforme en bonheur durable, pérenne, par l’abandon que nous consentons librement de tout ce qui nous oppose à Dieu et aux autres. Or ce que nous considérons comme notre propre intérêt, voilà ce qui nous oppose à Dieu et aux autres, et qui nous empêche donc de profiter et d’être heureux. C’est bien en ce sens que Jésus, dans l’Évangile, peut dire « heureux les pauvres » (Luc 6 / 20 ; Matth. 5 / 3). Non pas « heureux de n’avoir rien pour vivre », ce serait un comble ! Mais « heureux de ne pas être prisonniers de vos richesses, de vos inquiétudes, de votre peur de manquer, de votre crainte de n’avoir pas de valeur… »
La sagesse biblique nous invite donc, parce que nous sommes aimés de Dieu et que ça nous suffit, à nous détacher de la défense de nos intérêts, pour prendre souci de l’intérêt des autres. N’est-ce pas ce que nous vivons ou essayons de vivre dans nos couples ? N’est-ce pas ce que vous vivez pour vos enfants ? « Considérez les autres comme supérieurs à vous-mêmes ; que personne ne recherche son propre intérêt, mais que chacun de vous pense à celui des autres », écrivait Saint Paul (Phil. 2 / 3-4). Les « actions bonnes que Dieu a préparées d’avance afin que nous les pratiquions » (Éph. 2 / 10) consistent en ceci, qui fonde l’entraide entre les frères et sœurs que nous sommes par le baptême. Et si nous prenons cette habitude de l’entraide, si le mouvement vers et pour l’autre remplace petit à petit notre nature autocentrée, alors nous découvrons que ce mouvement ne saurait s’arrêter à cette fraternité chrétienne, mais qu’il va à la rencontre de tout être humain proche ou lointain, selon ce qui est donné à chacun.
Mais bien sûr, avant de vouloir embrasser le monde entier – comme si ça nous était possible – il faut commencer par le plus facile. Enfin, facile… Par le plus près, disons ! Et n’est-ce pas entre chrétiens que c’est alors le plus facile, parce que les uns et les autres, nous avons connu cette sagesse qui n’est pas naturelle ? Lorsque nous allons à la rencontre de quelqu’un, nous avons toujours peur que l’envie n’en soit pas partagée, que nous y perdions des plumes, etc. Parce que l’autre est… un autre ! Mais là où ce projet de vie est partagé et réciproque, où est le problème ? C’est ce qui fonde un couple ou un foyer chrétien, en principe. C’est ce qui fonde une communauté chrétienne, paroissiale, en principe. Quand je dis « en principe », c’est aussi pour dire que c’est vrai, et que ça commence par là. Parce que le Christ n’est pas mort seulement pour moi, ni même d’abord pour moi. Il est mort aussi pour moi, alors que je ne le méritais pas. Comme il est mort pour l’un ou l’autre d’entre vous, qui ne le méritait pas non plus. Comme il est mort pour Line, qui ne s’en doute même pas. « Nous avons tous reçu notre part des richesses de sa grâce ; nous avons reçu une bénédiction après l’autre », comme l’écrivait Saint Jean.
Dieu nous fait entendre sa parole, il nous offre sa sagesse à vivre, et à vivre ensemble comme frères et sœurs. Une sagesse fondée sur le don de soi accompli par ceux qui savent qu’ils ne risquent plus rien, puisque Dieu les aime, et qu’ils ont reçu la vie éternelle en Jésus-Christ. Seulement voilà : en sommes-nous sûrs ? Ou pour le dire autrement : faisons-nous confiance à Dieu lorsqu’il nous le dit ? C’est à l’écoute de sa parole, et au partage du pain et du vin, que nous recevons son Esprit saint qui nous atteste la vérité de cette parole, le bien-fondé de vivre selon sa sagesse ; qui ancre en nous la foi, c’est-à-dire la confiance, et qui fait grandir en nous le bonheur promis, même à travers les souffrances, les erreurs, les hauts et les bas. C’est cet Esprit que nous invoquons sur Line et sur nous tous, c’est lui qui permettra à ses parents, à son parrain et à sa marraine, et à notre Église aussi, d’être témoins du Christ auprès d’elle, par l’amour et la prière, par le culte et la catéchèse, par l’entraide et le partage, par l’exemple de notre propre confiance afin de nourrir la sienne. C’est de ce témoignage chrétien que parle la promesse du psaume, selon laquelle « tout ce que fait cet homme est réussi » ; cette promesse est pour nous si c’est bien l’Esprit du Christ qui nous guide. Soyez donc heureux de ce bonheur-là ! Amen.
Raon-l’Étape (baptême) – David Mitrani – 19 novembre 2017