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Apocalypse de Jean 3 / 14-22
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texte : Apocalypse de Jean, 3 / 14-22 (trad. : Parole de vie)
première lecture : Actes des Apôtres, 2 / 1-18
chants : 36-15, 22-08 et 31-32 (Alléluia)
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Évangile, ça veut dire « bonne nouvelle ». Mais le texte que je vous ai lu semble bien dur à l’égard de l’Église de Laodicée, que d’ailleurs vous ne connaissez pas ni moi non plus… Où est donc la bonne nouvelle ? En fait, il y en a plusieurs ! La première bonne nouvelle, c’est que c’est Jésus qui parle. Ce n’est pas seulement Jean qui raconte ce qu’il a vu, mais c’est Jésus qui, par-dessus Jean, s’adresse à une communauté chrétienne, c’est-à-dire qui se réclame de lui. C’est celui qui a donné sa vie pour ces gens-là qui leur parle, et bien sûr sa parole ne peut être qu’une parole d’amour, comme il le leur déclare dans cette lettre : « ceux que j’aime, je les corrige… » Aujourd’hui on a un peu de peine à comprendre cette pédagogie, pourtant c’est tellement évident : ceux qu’on n’aime pas, on s’en désintéresse s’ils font n’importe quoi, mais ceux qu’on aime, on en peut pas se désintéresser d’eux, on a absolument envie qu’ils vivent bien, qu’ils reviennent sur un chemin de vie si jamais ils l’ont quitté, on essaye de corriger, ou de les aider à corriger, leurs erreurs.
Ainsi, n’oubliez jamais quand vous lisez la Bible, toute la Bible, que celui qui parle dans ces textes, c’est quelqu’un qui vous aime, c’est quelqu’un qui a donné sa vie pour vous. Comme nous le disons parfois lors du baptême d’un petit enfant, en nous adressant à lui même s’il ne peut pas nous comprendre : « Petit enfant, pour toi Jésus-Christ est venu sur la terre, a lutté et souffert ; pour toi, il a traversé l’agonie de Gethsémané et les ténèbres du Calvaire ; pour toi, il s’est écrié : “Tout est accompli” ; pour toi, il est mort et, pour toi, il a triomphé de la mort ; oui, pour toi, petit enfant, et tu n’en sais rien encore ! Ainsi est confirmée la parole de l’apôtre : “Nous aimons Dieu, parce qu’il nous a aimés le premier.” » Nous tous qui avons été baptisés, il faut nous souvenir sans cesse de ces paroles qui nous redisent en quoi l’Évangile nous concerne. Car il nous concerne, Amandine nous le redira pour elle-même tout à l’heure, avant que cette certitude de l’amour du Christ lui soit confirmée. Nous sommes au bénéfice d’un amour extraordinaire, gigantesque, qui peut changer notre vie. Il nous détourne de nous-mêmes pour nous tourner vers Dieu. Ce n’est pas que Jésus ait fait le premier pas, non : il a fait tout le chemin jusqu’à nous, jusqu’à chacun de nous, qui ne le méritions pas.
Et c’est bien ce qu’il tente de dire aux chrétiens de Laodicée. Après six lettres à des Églises qui sont plus ou moins félicitées avant d’être quand même corrigées pour une raison ou une autre, cette septième lettre ne comporte pas de félicitation ! C’est celle qui nous touche le plus. Elle s’ouvre sur une deuxième bonne nouvelle, lorsque Jésus dit : « Je connais tout ce que tu fais ». Enfin quelqu’un à qui ça ne sert à rien de cacher quoi que ce soit ! Dans la vie de tous les jours, nous faisons tous plus ou moins semblant, nous nous fabriquons un personnage, une apparence, parfois honorable, parfois agaçante – parce qu’on peut aussi avoir envie d’apparaître moins bons que ce que nous sommes, notre masque ne se veut pas forcément sympathique… Mais, bref : nous cherchons tous à dissimuler une part de nous-mêmes, celle que nous pensons la plus fragile. Et c’est fatigant, même si c’est socialement nécessaire. Avec Dieu, avec le Christ qui nous connaît intimement, pas besoin de ça ! Nous sommes libres d’avoir à faire semblant ! Parce qu’avec lui, nous ne risquons rien, nous sommes aimés tels que nous sommes, quand bien même nous serions « fouillis et maladroits » – n’est-ce pas, Amandine ? – ou parcourus de peurs, de phobies, de hontes, d’addictions, ou même d’envies de partir en courant, tel le « fils prodigue » de la parabole (Luc 15 / 13).
Il nous connaît intimement, et pourtant il nous met à distance, il n’est pas sans arrêt sur notre dos, tel « l’œil [qui] était dans la tombe et regardait Caïn ». Mais ça, ce n’est justement pas la Bible, seulement Victor Hugo (in La légende des siècles). Ce qui apparaît comme une malédiction terrible : « Je vais te vomir de ma bouche », contient en fait une troisième bonne nouvelle, selon laquelle le Christ ne s’impose pas à nous, Dieu n’est pas un vampire ni un vengeur. Au contraire, se mettant à distance de ce que nous sommes, de notre péché, de notre indignité, de notre mal-être – dites-le comme vous voulez – il peut alors nous proposer ce dont nous avons besoin. Nous le proposer, pas nous l’imposer, pas prendre notre place dans la relation avec nous-mêmes, ce qui nous rendrait encore plus schizophrènes que ce que nous sommes ordinairement. En nous quittant, il nous révèle la distance que nous avons avec lui, la distance entre ce que nous sommes et ce que nous devrions être. Mais nous quittant, il ne nous abandonne pas, mais ils se met en situation de nous proposer ce dont nous avons besoin, et il nous met en situation de pouvoir le trouver auprès de lui au lieu de le chercher vainement en nous-mêmes ou bien en des lieux improbables.
Le prophète Ésaïe déjà nous relayait cette invitation : « Vous tous qui avez soif, voici de l’eau, venez ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez ! Achetez à manger, c’est gratuit. Venez, achetez du vin et du lait sans argent. Pourquoi dépenser de l’argent pour quelque chose qui ne nourrit pas ? Pourquoi vous fatiguer pour quelque chose qui ne rassasie pas ? Écoutez-moi bien, alors vous aurez de bonnes choses à manger, vous goûterez des choses délicieuses. Tendez l’oreille et venez vers moi. Écoutez, et vous vivrez. Je ferai avec vous une alliance qui durera toujours. » (Ésaïe 5 / 1-3a) Amandine, et vous tous, chers amis, ne gaspillez pas votre existence à la recherche de ce qui est « vanité et poursuite du vent » (Eccl. 2 / 11). Recherchez ce qui est bon pour vous et pour les autres : vous le trouverez auprès de Dieu sans avoir besoin de rien payer, sans avoir besoin d’aucun mérite, sans avoir besoin d’aucun sacrifice, sinon celui que Jésus a accompli à votre place. Comme Jésus le disait dans un autre passage : « « Venez auprès de moi, vous tous qui portez des charges très lourdes et qui êtes fatigués, et moi je vous donnerai le repos. Je ne cherche pas à vous dominer. Prenez donc, vous aussi, la charge que je vous propose, et devenez mes disciples. Ainsi, vous trouverez le repos pour vous-mêmes. Oui, la charge que je mettrai sur vous est facile à porter, ce que je vous donne à porter est léger. » (Matth. 11 / 28-30)
J’ai perdu le compte des bonnes nouvelles de cette lettre, bonnes nouvelles pour nous autres qui recevons aujourd’hui ce courrier du Seigneur par-dessus les siècles. Celle qui était au départ, celle qui était sur l’enveloppe, la revoici maintenant : « Je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je mangerai avec lui et il mangera avec moi. » Jésus nous redit cette constatation : c’est qu’il est dehors. Mais il nous redit son invitation : que nous le laissions entrer dans nos vies, que nous lui ouvrions notre porte. Cette invitation a été faite à Amandine le jour de son baptême, comme à chacun de nous. Elle ne l’a pas entendue, et si moi je l’ai entendue lors de mon baptême je ne m’en souviens pas… Ainsi en est-il de la plupart d’entre nous, baptisés enfants. L’invitation a été faite, et aujourd’hui Amandine a choisi d’y répondre publiquement, parce que cette invitation lui a été relayée par d’autres, des adultes ou des gens de son âge, des protestants et des gens qui ne le sont pas, peu importe. Elle a appris à retrouver cette invitation dans la Bible où nous la lisons ce matin. Elle a trouvé dans son propre cœur l’ardent désir d’y répondre, vous l’entendrez tout à l’heure.
Pour reprendre les mots de notre texte, elle a décidé d’être avec les « vainqueurs », siégeant sur le trône de celui qui a donné sa vie pour elle. Elle a entendu « ce que l’Esprit Saint dit aux Églises ». Elle sait aussi, comme nous tous, que cette confirmation de l’invitation, de l’alliance d’autrefois, n’est pas une fin, mais un début. Quand quelqu’un frappe et que vous lui ouvrez pour partager le repas, ce n’est pas d’ouvrir la porte qui est le but, mais c’est le repas ! Dans la relation avec Dieu, dans la relation les uns avec les autres, de même, ce n’est pas le pardon qui est le but : c’est le début, car le but, c’est la vie nouvelle, c’est l’amour mutuel. Ouvrir la porte au Christ, c’est recevoir avec lui le pardon de Dieu, la nouvelle naissance qui était signifiée par le baptême. C’est la porte ouverte à une vie renouvelée, en-dehors de tout jugement, de toute condamnation : « Oui, Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. Ainsi, tous ceux qui croient en lui ne se perdront pas loin de Dieu, mais ils vivront avec lui pour toujours. En effet, Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais il l’a envoyé pour qu’il sauve le monde. » (Jean 3 / 16-17)
Lorsque nous nous approchons de la table pour partager le repas, comme nous le ferons tout à l’heure en y accueillant aussi Amandine, c’est de cette réalité que nous nous approchons, c’est en elle que nous pénétrons. Nous expérimentons le salut gratuit que le Christ nous apporte de la part de Dieu notre Père, nous expérimentons le pardon totalement immérité qui nous fait grandir comme êtres humains et comme croyants. Nous expérimentons l’Église qui est le corps du Christ parce qu’en elle nous sommes tous frères et sœurs, sans qu’aucun, quelle que soit sa fonction, ne soit au-dessus ou au-dessous des autres. Et il n’y a pas d’âge pour cette expérience à laquelle Jésus nous appelle sans cesse, depuis toujours et pour toujours, non pas qu’il s’éloigne de nous, mais en sachant que nous nous éloignons sans cesse de lui. Voilà pourquoi sans cesse il s’invite à nouveau, pour que nous lui ouvrions cette porte que nous lui avons si souvent refermée au nez.
Et ceci est vrai de notre Église, puisque c’est vrai de ses membres ! Elle aussi a besoin d’abandonner sa tiédeur, ses peurs et ses orgueils, ses fausses richesses et ses vraies défaites, pour laisser entrer son Seigneur, son seul Seigneur. C’est bien ce que le Saint-Esprit lui dit à travers le texte biblique qui nous a guidés ici, c’est lui qu’aujourd’hui nous fêtons, c’est lui qui souffle assez fort pour ouvrir même les portes les plus fermées. Ouvrez votre vie à Jésus-Christ, vous qui êtes promis à la vie ! Amen.
Senones (Pentecôte) – David Mitrani – 4 juin 2017