Chers destinataires de nos méditations en temps de confinement,
Tout le monde tente d’apercevoir l’après-confinement,
selon ses propres aspirations ou selon ses craintes,
depuis ceux qui craignent le retour du même, en pire,
à ceux qui appellent l’émergence d’un monde nouveau.
Permettez que votre serviteur vous fasse partager
son inquiétude au sujet dudit monde nouveau,
sans minorer pour autant les risques et dangers
du vraisemblable retour du même,
surtout pour les plus faibles économiquement.
De l’apologie des « circuits courts », voire de l’autarcie,
à celle du télétravail, voire du temps partiel,
le discours actuellement dominant
est le souhait du repli de l’individu sur lui-même,
sur son plaisir personnel,
au détriment de toutes les solidarités.
Ce n’est pas neuf, certes !
Mais cette longue période de confinement
va renforcer cette tendance.
La désagrégation de la nation, de l’école, de la famille, de la politique,
(de l’Église ?),
à laquelle nous assistons depuis des années,
risque enfin d’aboutir à ceci :
moi, seul au monde, décidant seul
des relations de proximité qui servent mon intérêt
(sans réaliser que je suis par là-même encore plus
le jouet de forces qui me dépassent
mais qui me sont de moins en moins visibles).
Ce n’est pas au nom d’un discours politique passéiste
que je vous écris ces choses aujourd’hui.
Mais je crois bien que l’Évangile ne nous appelle pas
à un tel repli individualiste,
malgré une prédication qui fut ordinairement protestante (?),
mais au contraire à vivre pleinement notre liberté
au sein des collectivités qui nous constituent…
à commencer par l’Église,
famille des frères et sœurs de Jésus-Christ,
qui nous est donnée à vivre ensemble
(quoi qu’en pense un ministre de l’Intérieur
qui outrepasse ses compétences).
Rappelez-vous (Romains 12 / 4-5 ; 1 Corinthiens 12 / 26-27) :
« En effet, comme nous avons plusieurs membres dans un seul corps, et que tous les membres n’ont pas la même fonction, ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ et nous sommes tous membres les uns des autres. »
« Et si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; si un membre est honoré, tous les membres se réjouissent avec lui. Vous êtes le corps de Christ, et vous êtes ses membres, chacun pour sa part. »
De même aussi à propos du Christ et de l’Église (Colossiens 1 / 18. 24 ; Éphésiens 5 / 23. 29-30) :
« Il est la tête du corps, de l’Église. »
« … du Christ pour son corps qui est l’Église. »
« Christ est le chef de l’Église, qui est son corps et dont il est le Sauveur. »
« Jamais personne, en effet, n’a haï sa propre chair ; mais il la nourrit et en prend soin, comme le Christ le fait pour l’Église, parce que nous sommes membres de son corps. »
Sans parler de tous les versets qui disent : « Aimez-vous les uns les autres »,
et tant d’autres…
Membres d’un même corps sans que notre individualité soit niée,
Christ nous appelle à avoir souci les uns des autres,
à prendre soin les uns des autres,
comme lui-même prend soin de chacun de nous.
Ce n’est pas parce qu’il le fait
que nous serions dispensés de le faire nous-mêmes… !
La foi chrétienne est fondée dans la relation personnelle avec Christ.
Mais dans cette relation, justement,
je reçois les autres comme frères et sœurs à aimer.
La foi chrétienne ne peut pas faire l’économie des autres !
Elle peut certes faire l’économie de structures qui la brimeraient,
mais pas de toute structure.
L’enfer, c’est l’absence des autres.
J’espère juste que nous n’aurons pas à nous en rendre compte
quand il sera trop tard…
Il est des puissances dans le monde qui ont intérêt à un tel enfer :
ne faisons pas leur jeu !
Il y a des gens qui n’auront jamais les moyens
ni de l’autarcie, ni du télétravail :
faisons qu’ils ne soient pas broyés
dans un monde inhumain parce qu’asocial.
Il n’y a pas qu’au virus qu’il faut résister… !
Bien fraternellement,
pasteur David Mitrani